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FS-SSCT du 5 décembre 2023.
Déclaration liminaire de la CGT.
Le rapport de l’Inspection Santé et Sécurité au Travail est arrivé à notre connaissance, et le moins que l’on puisse dire c’est que cela n’est pas brillant.
Notre université n’a pas de politique de prévention des risques professionnels, même si les auteurs du rapport notent une « volonté d’avancer », mais nous ne voulons pas des preuves de vie, nous voulons des actes.
Et, surtout, une mise en conformité avec le cadre normatif et réglementaire de la santé et de la sécurité au travail dans la FPE, cadre défini par deux décrets, 1982-453, 2020-1427 et une directive européenne (89/391/CEE)
Nous n’allons prendre dans cette déclaration que le cas de ce que vous appelez les RPS, et que nous appelons, à la CGT, les risques socio-organisationnels, car ils ne sont pas constitués par des facteurs endogènes aux agents, mais par des facteurs intrinsèques à l’organisation du travail elle-même.
Page 4 du rapport ISST, les auteurs notent fort justement que l’assignation du Service Hygiène Sécurité et Environnement au P2i en minimise considérablement la portée sur les Risques socio-organisationnels. C’est un fil qui, si dévidé dûment, permet de montrer la mise en place d’un écran de fumée sur les RSO. Tout est fait pour détruire le risque institutionnel et judiciaire des RPS pour l’employeur, tout en rendant impossible une discussion démocratique, saine, et cadrée par l’édifice normatif existant, de la manière de prévenir les risques professionnels et d’améliorer les conditions de travail. La mise en place de la cellule RPS est une pièce majeure de ce dispositif de diversion.
En effet, la seule possibilité de prévenir les risques socio-organisationnels à l’université serait de développer des moyens humains, de recruter, de remplacer les départs, d’avoir une anticipation correcte des départs, de respecter l’adéquation entre le grade, les fonctions et les rémunérations, d’assurer des objectifs de carrière intéressants aux agents, et de pérenniser les postes.
C’est-à-dire tout simplement d’appliquer résolument tous les volets du remarquable plan d’action élaboré par le GT QVCT et voté en CHSCT le 27 septembre 2022. Là ça serait de la prévention, et pas du semblant d’accompagnement et de l’esquive quand il s’agit de réparer. La CGT va d’ailleurs proposer aujourd’hui un avis demandant l’application immédiate et intégrale de ce plan, avec une exigence de contrôle dans un rapport supervisé par la FS-SSCT et établi sur une base annuelle, afin d’être porté à la connaissance de toute la communauté universitaire de l’Université de Picardie.
L’Université n’a pas de politique de prévention, pas du tout. Ce n’est pas une question de bonnes volontés. Il y a une contradiction objective entre le néo-management et les textes qui encadrent la santé et la sécurité au travail dans la FPE. Alors, forcément, les agents craquent. Ils dépriment, partent en burn-out, s’affrontent verbalement, parfois physiquement, etc. Des rivalités minent les équipes de travail. Bref, rien ne va, et les risques socio-organisationnels, de risques, deviennent des incidents, voire des accidents, que les directions s’ingénient à sous-déclarer.
Or, quelle est l’action de la présidence ? Sous-déclarer les accidents du travail, ce qui n’est pas difficile, étant donné qu’en l’affaire, l’administration est juge et partie, et désengager la responsabilité de l’employeur, et c’est là que vient ce qui a été remarqué par les Inspecteurs Santé et Sécurité au Travail dans leur rapport et que nous venons de rappeler, et la fameuse cellule RPS, qui n’a aucun cadre légal et réglementaire solide.
Au lieu de faire connaître aux agents la réalité de leurs droits (qu’ils ne connaissent pas, on le constate en HIS et en tournées), à savoir, selon le degré de gravité et d’urgence, porter au RSST dématérialisé (rebaptisé d’un acronyme indigeste, bien conforme aux évolutions néo-managériales qui font la pluie et le mauvais temps dans ce pays, Gepuc), « les observations et suggestions des agents relatives à la prévention des risques professionnels et à l’amélioration des conditions de travail » (décret n°82-453 du 28 mai 1982, article 3-2), ou donner à connaître à un membre de la FS-SSCT un danger grave et imminent, pour qu’il le porte au registre, ce qui déclenche une procédure DGI très contraignante (décret n°2020-1427 du 20 novembre 2020, article 67), la présidence a eu l’idée géniale d’organiser une voie de dérivation, dès lors qu’il s’agit de santé mentale, alors que la santé dont il est question est, et mentale et physique. Jamais, dans la directive européenne, ou dans les décrets, il n’est dit, en aucune façon, que ces procédures de signalement (RSST et DGI) touchaient à l’une ou l’autre santé exclusivement de l’autre. D’ailleurs, c’est devenu un lieu commun aujourd’hui qu’il est très difficile d’établir une cloison étanche entre santé mentale et santé physique.
La voie de dérivation et de diversion organisée par la direction, c’est la cellule RPS, une cellule dont la normativité est inexistante (comme la cellule VSS d’ailleurs, mais c’est une autre histoire), comparée à celles du RSST et du registre spécial DGI. D’autres universités ont mis en place des cellules d’écoute, l’équivalent des numéros verts de la macronie. Bref, de quoi rendre caduques les procédures réglementaires de signalements du risque (le RSST, et le registre spécial DGI). Il s’agit donc d’une tendance générale des gouvernances universitaires, le lieu de propagation de ce virus étant probablement à situer lors des réunions de France-Universités, ou, plus généralement, dans l’air, néo-managérial, du temps.
Car, que garantissent les procédures réglementaires ?
1. Une transparence : (tout DGI étant immédiatement porté à la connaissance de toute la FS-SSCT, et tout usager de l’université pouvant porter une déclaration au RSST et le consulter, avec des possibilités d’anonymisation du signalement pour le RSST)
2. Une traçabilité, en cas de suite légale, ces documents étant côtés, datés, avec des précisions définies dans les textes légaux.
3. Une mise en cause immédiate et directe, précisée dans les textes légaux, de la responsabilité de l’employeur.
4. Une implication immédiate des élu.e.s représentant.e.s du personnel mandaté.e.s par les organisations syndicales.
Or, nos édiles le savent. Le temps des vaches maigres (pour la population en tout cas) ne fait que commencer. Les évolutions politiques, notamment, le néo-management et la destruction des services publics promettent, en pagaille et d’abondance, des incidents et des accidents professionnels du type burn-out, dépression nerveuse, troubles psycho-somatiques, harcèlement au travail et agressions verbales et même physiques. Comme le note Olivier Sévéon, dans un excellent ouvrage[1] dont je vous recommande la lecture, « les risques psycho-sociaux sont indissociables de [la] modification radicale du rapport de force en faveur des actionnaires. » (p 32)
Ces accidents, ces incidents vont se multiplier. Il faut donc les cacher, éviter qu’ils ne gonflent la statistique des AT/MP, ne pas en porter la connaissance à trop de monde (en évoquant fallacieusement des impératifs de « confidentialité »), et, surtout, désengager la responsabilité des présidences.
Alors, vous me répondrez, représentants de l’employeur qui êtes autorisés à siéger mais sans vote dans cette instance des personnels qu’est la FS-SSCT, que non, ce n’est pas votre intention.
C’est vrai. Ce n’est pas votre intention en tant que personnes, je n’en doute pas. Mais, en tant que rouages d’un système verrouillé par la LRU et, plus récemment, la LPR, vous ne pouvez pas, en même temps, appliquer les règles du néo-management néo-libéral à l’université et respecter les décrets de 1982 et de 2020 ainsi que la directive européenne de 1989, et la quatrième partie du Code du travail. Il y a une contradiction objective. Le rapport de forces est en faveur de la bourgeoisie et de ses idées individualistes, élitistes, pseudo-méritocratiques, réactionnaires et néo-libérales, de la destruction des services publics et de la démocratie sociale, et, de là où vous êtes, vous n’y pouvez rien, sans prise de risque personnelle de placardisation professionnelle. Alors, vous mettez la poussière sous le tapis. Et les agents souffrent, et l’université de Picardie s’effondre, comme bien d’autres universités périphériques. Mais la boussole de l’Université de la Nation est-elle le classement de Shangaï, ou les services rendus à la population ?
Si vous êtes du côté des agents et des personnels, alors c’est simple. Voici une feuille de route, en sept points, et nous vous aiderons :
1. S’assurer que tous les personnels connaissent leurs droits et obligations de fonctionnaires, et notamment savent ce qu’est un RSST, ce qu’est un registre DGI, qui sont les membres de la FS-SSCT
2. Mettre fin aux politiques de mise en concurrence entre services et entre agents
3. Mettre à plat les charges de travail par équipes en intégrant les temps d’absence et les durées de travail
4. Remplacer les départs
5. Renforcer les effectifs
6. Organiser des espaces d’échange sur le travail entre collègues sans présence hiérarchique
7. Assurer la négociation collective des objectifs
En l’occurrence, l’application stricte, intégrale et contrôlée par les représentant.e.s élu.e.s du personnel mandaté.e.s par les syndicats représentatifs, du plan voté par le CHSCT le 27 septembre 2022, cela serait déjà Byzance !
Si vous continuez dans la voie suivie actuellement, nous serons là pour faire tout ce qui est en notre pouvoir pour défendre et garantir les droits de celles et ceux que nous représentons, en particulier en nous saisissant résolument de cette instance et de tout ce qu’elle nous donne comme prérogatives et compétences (décret 82-453, articles 4-1 et 4-2 ; décret 2020-1427, chapitre II, passim.) Car cette instance, la FS-SSCT, est l’instance des personnels et des agents, et pas une courroie de transmission des diktats de la bourgeoisie !
Merci de votre attention.
P/O le bureau de la CGT
Anaïs Sené
Christophe Al-Saleh
[1] Olivier Sévéon, Les risques psycho-sociaux en milieu professionnel, 2021, éditions GERESCO