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Réunion publique suivie d’un débat avec le chercheur et politologue Ziad Majed, spécialiste du Proche-Orient, mardi 5 mars à 18h15, campus Jussieu amphi 45A
Les massacres et les destructions qui se produisent depuis le 07 octobre au Proche-Orient sont une conséquence de l’occupation de la Cisjordanie, du blocus de la bande de Gaza, et de la politique d’apartheid imposée aux palestiniens par l’état d’Israël. Les origines de ces violences remontent à la création de l’état d’Israël en 1948 qui a entraîné l’expulsion de plusieurs centaines de milliers de palestiniens (la « Nakba ») et à la guerre des Six jours de 1967 qui a provoqué l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
A Gaza, la situation a été rendue explosive par l’enfermement plus ou moins complet des 2,1 millions d’habitants de ce territoire exigu depuis 2007, par l’étouffement économique résultant du blocage de la circulation des marchandises et par les nombreuses destructions et victimes civiles des bombardements de 2009, 2012, 2014 et 2021. En Cisjordanie, la colonisation illégale des territoires accompagnée de nombreuses expulsions, les restrictions de circulation, les répressions meurtrières des révoltes de jeunes palestiniens, les nombreux prisonniers détenus sans jugement, ont exacerbé les tensions. L’impasse politique empêchant toute création d’un état palestinien, malgré plusieurs résolutions de l’ONU votées en ce sens, a exacerbé le désespoir et la colère de nombreux palestiniens. Tout cela a débouché sur l’attaque du 07 octobre. Le franchissement surprise de la ligne de sécurité séparant Israël et la bande de Gaza par les combattants du Hamas a conduit à l’invasion rapide des localités israéliennes voisines. Les membres du Hamas ont alors perpétué le massacre de 1140 personnes, en majorité des civils israéliens, accompagné de viols et de la prise d’otage d’environ 250 personnes.
En réponse, le gouvernement du premier ministre israélien Benjamin Netannyahou a déclenché une offensive militaire meurtrière sur la bande de Gaza qui continue encore aujourd’hui. Depuis maintenant quatre mois, les populations palestiniennes subissent les conséquences de l’offensive armée israélienne qui au 07 février 2024 a fait environ 27 500 victimes (sans compter les milliers de personnes disparues encore sous les décombres), blessé plus de 66 000 Gazaouis, contraint à déplacer 1,9 million d’individus et détruit ou endommagé plus de 60% des bâtiments et des infrastructures civiles et médicales de la bande.
À Gaza, les bombardements incessants ont entraîné la mort de nombreux humanitaires, personnels diplomatiques, journalistes. Neuf universités ont été détruites, avec plus de 3 600 étudiants et plus de 200 universitaires tués. L’armée israélienne bloque par ailleurs l’aide humanitaire ce qui entraîne des privations d’eau, de nourriture, de soins médicaux et d’électricité. Selon le PAM (Programme alimentaire mondial) 93% de la population gazaouie est en insécurité alimentaire grave et 25% de la population au stade de famine aiguë, particulièrement dans le nord. Le nombre de morts résultant de la sous-nutrition, des épidémies, des blessures et des maladies non soignées pourrait être supérieur aux victimes directes des bombardements et des tirs des snipers.
En Cisjordanie, plus de 350 Palestiniens ont également été tués, 4 200 blessés et les arrestations arbitraires se comptent par milliers, tandis que l’accaparement des terres par les colons israéliens se renforce.
Début janvier, l’Afrique du Sud a saisi la CIJ (Cours Internationale de Justice) accusant l’état israélien de génocide envers les palestiniens de la bande de Gaza. Le 23 janvier, un jugement de la CIJ a reconnu la recevabilité de la plainte et a demandé à Israël que des mesures soient prises pour stopper les risques de génocide.
La question du génocide est effectivement posée au regard des massacres, des destructions et de la famine en cours, mais aussi de l’intention réelle du gouvernement israélien. S’agit-il d’exterminer les « terroristes du Hamas » jusqu’aux derniers - sans le moindre soucis pour la vie des civils -, ou bien de se livrer à une vengeance en règle sur l’ensemble de la population de Gaza qui est tenue collectivement pour responsable des tueries commises en Israël ? Les phrases ambiguës de plusieurs dirigeants israéliens telles que « les animaux humains » qui doivent « être combattus » ou « la responsabilité entière d’une nation [dans l’attaque du 07 octobre] » attestent l’idée d’un châtiment collectif. Certains ministres d’extrême-droite appellent quant à eux à « l’anéantissement de Gaza » et à une « nouvelle nakba » qui permettrait une expulsion d’une grande partie des palestiniens dans des pays voisins et une recolonisation de la bande de Gaza.
L’ensemble des pays occidentaux a immédiatement cautionné la réponse ultraviolente d’Israël à l’attaque du 07 octobre, en invoquant « le droit à la défense » d’Israël. Les États-Unis et son président Joe Biden ont maintenu un soutien sans faille à Israël, bloquant plusieurs résolutions du conseil de sécurité appelant au cessez-le-feu et fournissant une aide militaire massive, malgré l’opposition d’une partie des électeurs démocrates.
La France de Macron a pour sa part eu une attitude extrêmement hypocrite, avec un discours du « en même temps » typique de notre président, qui soutient d’une part Israël dans sa riposte militaire et qui appelle d’autre part à un cessez-le-feu et à la création d’un état palestinien. L’envoi d’un navire hôpital permettant de soigner quelques palestiniens blessés ne masque pas le fait que la France est de facto complice d’Israël. Pendant les premières semaines, notre pays s’est distingué par l’interdiction prolongée des manifestations de soutiens aux palestiniens. Par ailleurs, aucune sanction n’a été prise contre le gouvernement israélien et la France a refusé de soutenir l’Afrique du Sud dans sa requête à la CIJ. Récemment, notre pays a fait partie des pays occidentaux qui ont décidé de suspendre ou de stopper le financement de l’UNRWA, l’agence de l’ONU en charge de l’aide humanitaire destiné aux palestiniens. Ces décisions ont fait suite à la déclaration de représentants israéliens qui ont affirmé que 12 membres palestiniens de l’UNRWA (sur la dizaine de milliers travaillant pour cette agence) auraient participé à l’attaque du 07 octobre (les membres en question ont été immédiatement licenciés par l’UNRWA). Elle risque d’avoir des conséquence graves, la baisse du financement de l’UNRWA risquant de diminuer encore le soutien humanitaire dont bénéficient les populations de Gaza.
Dans ce contexte de massacres et de destruction, notre université est quasiment muette. En octobre, au début du conflit, notre présidente avait indiqué dans un message à la communauté universitaire qu’elle soutenait le communiqué de France Université, qui condamnait les attaques du Hamas, sans un mot pour les victimes civiles palestiniennes déjà nombreuses. Finalement, une maigre prise de position de Sorbonne Université n’arrive que près de 4 mois après le début du conflit, et après des dizaines de milliers de morts : une courte motion vient d’être votée au conseil académique de l’Alliance Sorbonne du 25 janvier. On y mentionne de manière très vague les « violences et intolérances » dans le « conflit au Proche-Orient », et on appelle à « examiner les partenariats entre l’Alliance Sorbonne Université et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche israéliens et palestiniens ». On demande aussi « l’ouverture d’une ligne budgétaire dédiée », ainsi qu’un « engagement en faveur de l’obtention de visas pour les étudiants et universitaires touchés par ce conflit ». Il s’agit de termes bien imprécis : la nationalité des étudiants et universitaires touchés par le conflit n’est pas mentionnée et on ne connaît pas du tout le montant de la ligne budgétaire. Lors du vote de la motion au CAC, la présidente de Sorbonne Université, Nathalie Drach-Temam a tout de même fait remarquer plusieurs fois que les programmes d’accueil des étudiant.e.s et personnels étranger.e.s sont déjà en place : aucune urgence particulière donc, pour les nombreuses personnes fuyant la violence de l’armée et du gouvernement israélien.
L’inaction de SU, avec cette prise de position tardive et abstraite, est d’autant plus remarquable face aux moyens déployés au début de l’invasion russe de l’Ukraine, dès les toutes premières semaines. Les coopérations institutionnelles avec la Russie ont été interrompues - en accord avec la politique européenne – mais surtout des moyens exceptionnels ont été mobilisés, montrant que SU peut prendre position et s’activer, lorsque la volonté de le faire est là. Fin avril 2022, Guillaume Fiquet (vice-président Relations internationales, partenariats territoriaux et socio-économiques) vantait le déploiement « dès le mois de mars [d’]une aide matérielle et psychologique d’urgence aux membres de notre communauté touchés par cette crise » et annonçait que « 500 000 euros des fonds [propres] de l’Alliance Sorbonne Université seront consacrés à faciliter l’accueil des étudiantes et étudiants fuyant la guerre en Ukraine et cofinancer le salaire de bénéficiaires du programme PAUSE ».
On peut aussi remarquer que notre université n’a pas toujours été si pusillanime face au conflit israélo-palestinien. En 2003, sous la présidence de Gilbert Béréziat, le CA de l’Université Pierre et Marie Curie (une des deux universités existant avant la création de SU) avait voté une motion réclamant le non-renouvellement des accords de coopération entre l’Union européenne et les universités israéliennes et soutenant les universités palestiniennes, afin de protester contre l’occupation israélienne et la répression de la deuxième intifada.
En outre, si l’Université s’est engagée à évaluer les coopérations académiques en Palestine et en Israël, on ne sait pas exactement lesquelles. Or cette réévaluation peut avoir différentes significations, soutien au gouvernement israélien ou au contraire à la cause palestinienne. On notera que notre université a des partenariats de recherche avec deux universités israéliennes (l’Université de Tel Aviv et l’Université Bar-Ilan), qui ont des collaborations attestées avec les plus grands fabricants d’armes et l’armée israélienne, et des positions en faveur de l’apartheid et des massacres en cours.
Par ailleurs, il n’est jamais question d’analyser les accords et les conventions avec les entreprises d’armement – les seules qui profitent véritablement de ces guerres. Lorsque la question a été soulevée au conseil académique du 25 janvier, la présidente de SU a vite clos le débat, en ironisant sur l’impossibilité d’interrompre les accords avec toutes les entreprises susceptibles de développer des technologies à double usage. Pourtant, un arrêt des collaborations avec ces entreprises serait une réponse bien plus pertinente, par rapport à l’interruption des collaboration avec les institutions de recherche et d’étude. Ce serait aussi une réponse bien plus cohérente avec les « valeurs humanistes et universalistes » que SU affirme à toute occasion promouvoir. Parmi les nombreuses entreprises dont la coopération est si chère à l’Université, on retrouve les tristement célèbres Safran Défense et Thales, impliquées dans le vente d’armes et d’autres instruments de guerre dans les conflits en cours.
Le 23 janvier 2024, au moment-même où les drones de Safran sont utilisés par l’armée israélienne, SU invite l’entreprise pour « une conférence enrichissante », offrant « aux étudiants une occasion précieuse d’explorer différentes orientations professionnelles et de recevoir des conseils d’experts dans le domaine de l’ingénierie ». Depuis 2014, SU a un partenariat d’exception avec Safran, proposant des bourses de 10 000€ à quelques étudiant.e.s sur critères sociaux : « une véritable réponse face à la « ségrégation sociale » creusée tout au long du parcours scolaire », selon l’Université. Or, cette bourse est réservée à 4 étudiant.e.s par an, ce qui constitue une bien maigre réponse à la diminution du taux de boursiers dans les plus hauts niveaux d’étude – et montre l’hypocrisie de SU. Safran collabore aussi étroitement avec le département de formation doctorale, qui propose des visites de l’entreprise, et la promeut comme un avenir souhaitable pour les futurs docteur.e.s.
Quant à Thales - entreprise dont la moitié des revenus provient de l’armement, et qui a de nombreuses collaborations dans le domaine militaire avec l’état d’Israël - l’Université mène un travail de recherche conjoint avec cette entreprise : un laboratoire commun est vanté dans la page web de SU dédiée aux entreprises partenaires. À SU Abu Dhabi, une chaire de recherche industrielle en intelligence artificielle a été mise en place depuis 2020, en collaboration avec Thales et Total E&P. Thales finance aussi en grande partie le SCAI (Sorbonne Center for Artificial Intelligence), institut faisant partie de l’Alliance Sorbonne, et dont l’objectif est de renforcer les liens entre les entreprises, et la recherche et la formation. Sans un arrêt de ces collaborations, tout engagement de SU à soutenir la paix, en Ukraine, en Palestine ou ailleurs, n’est que du vent.
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