"Pour un Service public national d'Enseignement supérieur et de Recherche laïque, démocratique et émancipateur"
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Ce décret s’inscrit très précisément dans le cadre de la loi LRU qui renforce considérablement le pouvoir et le rôle des présidents. Ce que la ministre appelle « l’autonomie », n’est qu’une autonomie de gestion, essentiellement financière, strictement encadrée et contrôlée par le gouvernement avec les objectifs de résultat et de performance qu’il impose aux établissements.
L’ « autonomie » des universités n’a donc rien à voir avec leur indépendance. Les présidents sont seulement rendus autonomes d’aller rechercher des sources de financement en dehors de l’État qui consacre ainsi son désengagement financier du service public d’enseignement supérieur et de recherche tout en contrôlant soigneusement et en limitant la masse salariale et le plafond d’emploi dans la Fonction Publique conformément aux objectifs clairement annoncés de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP).
Cette nouvelle organisation du service public d’enseignement supérieur et de recherche et tout particulièrement, avec ce décret, la révision du statut des enseignants-chercheurs qui en découle ne leur apporte aucune garantie d’indépendance. Bien au contraire, il constitue la remise en cause de toutes les garanties collectives nationales dont ils bénéficiaient dans le cadre du statut de la Fonction Publique. La déconcentration des actes de gestion de la carrière des enseignants-chercheurs de l’État vers les chefs d’établissements de l’enseignement supérieur reste au cœur de ce décret. De nationale, la gestion du recrutement, des carrières et de l’avancement des enseignants-chercheurs devient locale et est toute entière confiée aux présidents même si certains aménagements de circonstance tentent de masquer et travestir ce changement. Ce décret met en pratique au niveau de la gestion des personnels enseignants le processus d’éclatement du service public d’enseignement supérieur et de recherche. La voie de la privatisation de fait des universités et de leurs personnels.
Ce décret introduit l’instabilité dans la carrière des enseignants-chercheurs ; il leur réclame plus de productivité et instaure l’individualisation de leurs carrières. C’est la non reconnaissance de leur investissement constant et de leur contribution active à l’éducation et à la diffusion du savoir.
Avec ce décret, les enseignants sont mis au service des « présidents stratèges » des nouvelles universités « autonomes ». La déconcentration des actes de gestion vers les présidences d’université, confirme bien le désengagement de l’État que nous dénoncions déjà lors du vote de la LRU. Les seuls pouvoirs que conserve l’État sont la nomination et la radiation, des professeurs par le Président de la République, des maîtres de conférences par le Premier Ministre.
Tous les autres actes de gestion des carrières des enseignants du supérieur, la modulation des services (art.7), la titularisation, la délégation (art. 13), la mise à disposition (art. 20-1), la réintégration (art.17), les congés pour recherches ou conversions thématiques (art.19) relèvent désormais de l’autorité des seuls chefs d’établissements. Pour ce qui concerne les services demandés aux enseignants, il en va de même : c’est le président d’université qui arrête la décision des services dus. Même si cette décision ne peut intervenir sans l’accord écrit de l’intéressé (art.7), on peut se demander quelle sera réellement la capacité de l’intéressé à refuser dès lors que l’accession aux responsabilités et compétences élargies de son université l’aura placé en situation de subordination directe au nouveau président-patron.
Rien ne sert d’affirmer l’indépendance et la liberté d’expression des enseignants-chercheurs (art. 2) si la pratique quotidienne les entrave. Or, seul le statut de la Fonction publique peut garantir l’une et l’autre. Cette individualisation des services et des carrières, affaiblit considérablement le statut particulier des enseignants du supérieur de la Fonction Publique. C’est une remise en cause radicale du statut en tant que référence nationale puisque désormais tout se gère, se négocie et se décide au niveau local.
La FERC-Sup CGT combat cette dérive qui concentre l’essentiel du pouvoir sur les présidents et qui remplace une gestion et une administration nationales qui s’imposent à tous les établissements publics d’enseignement supérieur par un système où chaque établissement édicte ses propres règles de gestion et d’administration des ressources humaines sans véritable recours possible.
Le décret du 23 avril 2009 élargit le champ des missions des enseignants-chercheursconformément aux nouvelles missions dévolues aux universités par la loi LRU du 10 juillet 2007. Si l’ajout du tutorat constitue pour partie la reconnaissance d’un travail déjà réalisé par bon nombre d’enseignants du supérieur, l’ajout de la mission d’insertion professionnelle et l’association tutorat, orientation et insertion (art. 3) rend les enseignants du supérieur responsables du débouché professionnel des étudiants. Cette nouvelle mission pour les enseignants ne s’accompagne d’aucune compensation. Juste du travail en plus.
Par ailleurs, l’ajout de l’usage des technologies de l’information et de la communication (art. 3) pour la transmission de la connaissance dans le cadre des missions dues par l’enseignant chercheur doit être rapproché des dispositions de la loi DADVSI (droit d’auteur) du 1er août 2006 qui pourrait progressivement amener les enseignants-chercheurs à constituer un patrimoine immatériel que les universités pourraient finalement utiliser dans des conditions dont elles décideront seules et sans réelle contrepartie (obligatoire) pour les enseignants-chercheurs qui les auront produites.
Depuis de nombreuses années les enseignants-chercheurs réclament que toutes leurs activités soient reconnues et prises en compte. C’est notamment le cas de toutes les activités administratives auxquelles ils sont contraints. Rien dans ce décret ne permet de dire que cette demande a été satisfaite. En effet, suivant l’article 7 le temps de travail dû par un enseignant chercheur se répartit pour moitié en services d’enseignement et pour moitié en activité de recherche. On notera par ailleurs que par rapport au décret antérieur qui définissait le service de l’enseignant à partir des heures d’enseignement dues, ce décret introduit comme temps de travail de référence celui de la Fonction Publique (art. 7), c’est-à-dire 1607 heures annuelles à ce jour. Ce qui fondera vraisemblablement certains Présidents à exiger, à plus ou moins long terme, l’augmentation de service des enseignants sans aucune contrepartie.
La FERC-Sup revendique la prise en compte des activités et responsabilités administratives assumées par les enseignants-chercheurs tout au long de l’activité universitaire et qu’elles soient parties intégrantes de leurs missions. Elle réclame par ailleurs que la valeur de référence (128h de cours ou 192h de TD en l’occurrence) constitue un plafond et non pas, comme l’instaure ce décret, une valeur pivot qui perd tout son sens dès lors que la modulation est mise en oeuvre.
Ce décret érige la contrainte et l’évaluation en principes de gestion des carrières des enseignants chercheurs.
Désormais, c’est l’évaluation quadriennale (art. 7-1) des enseignants-chercheurs en quête de « mérite » et d’« excellence » qui rythme la vie des universités et de ses personnels enseignants. Le système des primes de tous ordres (Prime d’Excellence Scientifique par exemple), délivrées aux plus méritants, qui ne concernent qu’une faible proportion d’enseignants-chercheurs ne peut qu’aboutir à la mise en concurrence des personnels au sein des équipes pédagogiques et sera, par voie de conséquence, facteur de détérioration de la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mais c’est aussi une dégradation des conditions de travail des enseignants-chercheurs qui est prévisible puisque la modulation des services ne peut pas remettre en cause les engagements de formation de l’université (art ; 7) et son potentiel global d’enseignement. Ce qui signifie que l’allègement de la charge d’enseignement de quelques privilégiés se traduira inévitablement par l’alourdissement de la charge d’enseignement de tous les autres collègues.
La FERC-Sup condamne l’ensemble du dispositif qui introduit inégalités et individualisation et qui encourage le recours aux personnels contractuels. Elle reste très attachée aux garanties collectives nationales contenues dans le statut et aux instances nationales de recours qui garantissent le respect des règles de la Fonction Publique, instances que les enseignants-chercheurs peuvent saisir dès lors qu’’ils jugent que leur indépendance est remise en cause.
Ce décret met en concurrence les personnels enseignants mais il creuse également l’écart entre es Maîtres de Conférences et les Professeurs. Ces derniers récupèrent l’essentiel des responsabilités, notamment dans la recherche (art. 3).
En termes de revalorisation des carrières, contrairement à ce que voudrait faire croire la ministre, seule la carrière des professeurs est accélérée et revalorisée.
Dans le même ordre d’idée, les conditions d’attribution de la Prime d’Excellence Scientifique (distinction scientifique de niveau international, contribution exceptionnelle à la recherche, chargés et directeurs de recherche, encadrement doctoral notamment) permettent de penser que cette prime bénéficiera essentiellement aux Professeurs d’universités.
Les Maîtres de Conférences sont les laissés pour compte de la transformation opérée par la loi LRU et ils seront très certainement les premiers à souffrir des dispositions découlant de cette loi et de ses décrets (modulation de services vers l’enseignement au détriment de la recherche, système de primes défavorable, etc.).
La FERC-Sup CGT revendique un corps unique des enseignants-chercheurs ainsi qu’une refonte totale de la grille indiciaire qui constitue une revalorisation pour l’ensemble des enseignants-chercheurs.