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Nous refusons l’instrumentalisation de la crise sanitaire au service de la mise en place d’une université dite numérique, qui sous couvert de modernisation, relève de la vieille rengaine réactionnaire visant à la marchandisation d’un enseignement standardisé et consensuel.
Dès le mois de mars, l’inquiétude d’une généralisation de l’enseignement à distance s’est exprimée en raison de l’importance des changements dans le travail qu’elle induit et des risques qu’elle comporte tant pour les étudiants que pour les équipes administratives et enseignantes. Sa généralisation comme alternative unique à tous les autres types d’échanges pédagogiques a montré les dangers que sa massification fait peser sur la société en aggravant profondément les fractures déjà présentes (sociale, numérique, handicap...).
Alors même qu’aucune concertation n’a été engagée sur les modalités et les risques de l’enseignement à distance, Le ministère affiche nettement sa volonté de développer ces pratiques pudiquement désignées sous le terme « d’hybridation des enseignements » selon les termes de la circulaire du 11 juin 2020, pratiques déjà très largement relayées dans nos établissements. Sans doute conscients des bouleversements que cette hybridation va entraîner sur les conditions de travail, la circulaire « recommande aux établissements de proposer des actions d’accompagnement et de formation des équipes enseignantes et des personnels BIATSS ».
Ces pratiques qui s’appuient sur les réponses apportées dans l’urgence de la crise sanitaire, ne sauraient être pérennisées s’agissant d’une expérience qui en a révélé les failles, les risques, et les limites plus encore que les possibles. L’outil numérique n’est pas une fin, il est un moyen. Comme tout outil son utilisation comporte des risques. Les étudiants ont le droit d’accéder à un savoir critique, ont le droit d’avoir accès à l’enseignant.e durant leur formation universitaire. Les personnels ont le droit de ne pas se voir déposséder de leur cours, ont le droit de liberté académique en proposant leurs enseignements.
On comprend bien les intérêts en jeu : l’enseignement à distance est une source importante d’économies en termes notamment d’infrastructures et de personnels. II induit néanmoins une atomisation du public qui favorise l’éclatement des collectivités de travail et entraîne l’anesthésie de la vie universitaire.
Il ouvre également la voie à la duplication et à la vente de modules. La marchandisation de l’enseignement supérieur trouve ici un nouveau champ de rentabilité. Si la grande université numérique devait voir le jour, le désengagement de l’État - déjà largement en marche depuis la LRU - serait à son comble et conduirait à vider définitivement les termes service public de l’enseignement supérieur de toute signification et portée concrètes.
Autres impacts : le risque de rupture de la cohérence de l’enseignement et le délitement du lien avec les équipes administratives. En un mot, la destruction des collectifs de travail alors qu’il semble utile de rappeler que les agents de l’université, tous statuts confondus, sont les acteurs et les experts de leur travail et de leurs conditions de travail dans la richesse de leurs interactions quotidiennes.
Il faut rappeler que le travail sur site, quels que soient les métiers, favorise le partage d’expériences, fait naître de nouvelles idées, nourrit la réflexion collective. Se passer de ce temps informel du travail que permet la présence physique reviendrait à appauvrir considérablement la créativité, la réactivité, l’efficacité et la défense de la qualité de vie au travail au sein des équipes.
Enfin, cette marche forcée révèle un mépris profond pour les collègues enseignant·es dont les conditions de travail ont été particulièrement éprouvantes pendant cette période (cours par visioconférence, correction de centaines de copies sur écran, perte du face à face très mal vécu…) et pour les étudiant·es dont les conditions d’études sont devenues dans ce cadre très incertaines et anxiogènes (précarité des connexion internet et inadéquation du matériel informatique, conditions de vie et d’études rendues plus difficiles, perte de l’activité rémunérée indispensable…).
Cette méthode caractérise également une profonde méconnaissance des métiers de l’enseignement dont le cœur est le lien enseignant·e-étudiant·e, davantage dans une perspective de transmission du savoir que d’évaluation, dans laquelle l’apport du numérique ne peut être que complémentaire.
La volonté de nos dirigeants aujourd’hui de considérer le numérique comme une finalité et non comme un outil. On mesure à quel point une telle approche ne peut que dégrader la qualité du service offert aux usagers du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que les conditions de travail des peronnels des services publics de l’ESR.
Il est impératif de réaliser, en concertation avec les organisations syndicales de l’enseignement supérieur, un bilan rigoureux, notamment via des questionnaires, de l’expérience de l’enseignement à distance durant la période de confinement à partir du vécu des collègues et des étudiant·es. Ce n’est qu’à l’aune d’un tel bilan qu’une évaluation sérieuse de l’impact de ces outils sur les conditions de travail et d’étude est possible.
Nous rappelons que le comité technique est compétent et doit être consulté en matière d’évolutions technologiques et de méthodes de travail de l’établissement et des services et de leurs incidences sur les personnels. Ses avis doivent être éclairés par l’expertise du CHSCT, qui croise notamment les connaissances des syndicalistes et celles de la médecine de prévention.
Les enjeux sont donc multiples et aucun développement des enseignements à distance ne peut être envisagé en se basant sur l’expérience de l’état d’urgence sanitaire. L’utilisation positive et volontariste que voudrait retenir le ministère, déclarant que les personnels sont "montés en capacité" sur le numérique, est en total décalage avec la réalité de l’absence de préparation et de moyens vécue par les personnels.
Une évaluation des risques liés aux conditions de travail des personnels et d’étude des étudiants doit être menée.
Elle est la base de la construction de conditions de travail renouvelées qui permettront dans les mois et les années à venir aux personnels d’inventer les réponses originales de l’enseignement et la recherche de demain.