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mardi 10 septembre 2024

Grenoble INP

Établissement élargi, budget réduit !

Le mardi 23 juillet 2024, la direction de l’établissement Grenoble INP a communiqué sa proposition de CRE (Conditions de Retour à l’Équilibre) au Rectorat. Comme vous avez pu le lire dans le mail de l’administrateur général le 28 mai dernier, ce CRE fait suite à la demande du Rectorat de ce printemps, comme conséquence de la présentation de deux bilans financiers déficitaires de l’établissement. Dans un mail envoyé ce 22 Juillet, l’administrateur général vous a fait part des grandes lignes retenues, qui ont été détaillées lors de 3 assemblées générales des 3, 4 et 5 septembre.

La direction a fait le choix d’associer les directions de composantes, de laboratoires et de services d’établissement dans le processus. En tant qu’organisation syndicale, nous avons été informé·e·s au fur et à mesure du processus d’élaboration du CRE, sur un calendrier très restreint imposé par le Rectorat. Nous en remercions la direction. Étant donnée l’ampleur des transformations prévues et des efforts demandés, nous pensons toutefois qu’il est essentiel que l’ensemble des agent·e·s soit impliqué·e·s dans les discussions sur la mise en œuvre des transformations dès cet automne. Nous vous invitons à vous impliquer, à poser des questions, donner votre avis partout où cela sera possible.

Le Rectorat exige un retour des comptes à l’équilibre d’ici 2027. Comme vous avez pu le lire dans le mail de l’administrateur général, les mesures structurelles (permanentes) retenues sont :

  • Réduction de la masse salariale des personnels IATS d’environ 11%, (non-renouvellement ou non-remplacement de 50 postes permanents, titulaires ou contractuels, et baisse d’environ 30 CDD renforts ou parts incitatives).
    – Pour réussir cela sans générer de souffrance au travail, la direction affirme vouloir engager une profonde transformation de nos processus administratifs et support (notamment RH, scolarité, finances, informatique…) et ainsi gagner en efficacité.
  • Réduction d’au moins 15% des surfaces immobilières exploitées par l’établissement
  • Réduction du budget de fonctionnement par paliers, pour un objectif de 2% à terme
  • Baisse du nombre d’heures d’enseignement (heures complémentaires et vacations)

Cela s’accompagne de mesures temporaires pendant 2 ou 3 ans, notamment :

  • Réduction forte du budget de fonctionnement à court terme, puis dégressive
  • Forte diminution du nombre de bourses de thèses financées par l’établissement pendant 2 ans
  • Report d’un an des renouvellements de postes d’E/EC, temporairement remplacés par des ATER

En complément, d’autres mesures sont envisagées et seront détaillées à la rentrée.

A noter : L’établissement souhaitait une augmentation significative des frais d’inscription des étudiant·e·s. Cela a finalement été refusé par le Rectorat et nous en sommes très satisfaits ! (voir à la fin du texte). Mais la direction de G-INP compte revenir à la charge ultérieurement et nous serons vigilants à ce sujet.

Pourquoi cette situation ?
Notre Grand Établissement a-t-il été un mauvais gestionnaire ?

Pour notre part, nous ne partageons qu’en partie l’analyse des raisons des déficits successifs de l’établissement, et nous questionnons les solutions proposées.

La stratégie proposée par la direction repose sur l’analyse que nous vivons au-dessus de nos moyens.

Le PRE précédent (Plan de Retour à l’Équilibre) a fortement impacté notre établissement entre 2013 et 2018, par le gel de plusieurs dizaines de postes, essentiellement d’enseignants et d’enseignants-chercheurs, et le recrutement de contractuels IATS en lieu et place des titulaires. Cela a eu des conséquences désastreuses sur les conditions de travail, fortement dégradées. Il fallait faire plus avec moins.

Le déficit budgétaire était principalement lié à un très fort GVT (Glissement Vieillesse Technicité), non compensé par l’Etat. Cela signifie que du fait de la pyramide des âges de l’INP, nous avons eu très peu de départs en retraite pendant plusieurs années, conduisant à une augmentation mécanique de la masse salariale de plusieurs centaines de milliers d’euros chaque année.

Ce n’est presque plus le cas depuis 2018 et notre GVT ne pèse plus sur le budget. Cela a permis les années suivantes de reconstituer (en partie seulement !) nos forces, en recrutant à nouveau, enseignants et IATS. Nous ne sommes pas revenus à l’effectif initial, et il faut noter que chez les IATS, la proportion d’agents contractuels a fortement augmenté pour dépasser les 50% (car ça coute moins cher à l’établissement…).

La masse salariale et le budget de fonctionnement ont logiquement à nouveau augmenté, et nous sommes aujourd’hui face à des recettes insuffisantes pour y faire face.

La direction considère que cela implique que notre organisation est trop couteuse en moyens humains et financiers, et que si nous voulons continuer à assurer nos missions de service public, notamment en formation et en recherche, il faut nous transformer pour être plus efficaces et diminuer la masse salariale et le budget de fonctionnement.

Si nous ne sommes pas du tout opposés à réfléchir à l’amélioration de notre organisation, y compris de notre structuration, nous tenons à rappeler que la politique menée par l’État est délétère et asphyxie délibérément les établissements pour ensuite leur demander de faire des plans de retour à l’équilibre.

En effet, après près de 12 ans de gel du point d’indice, la période de forte inflation que nous avons connue a amené l’Etat à concéder +3,5% en Juillet 2022, puis +1,5% en Juillet 2023, +5 points d’indice pour tout le monde en Janvier 2024 et la prise en charge à 75% des abonnements de transport depuis Septembre 2023 (au passage, tout cela étant sensiblement inférieur à l’inflation réelle, les agents ont fortement perdu en pouvoir d’achat). Cela a dégradé considérablement les finances de l’établissement par plusieurs mécanismes (chiffres CA décembre 2023, disponibles sur intranet) :

  • Sur la masse salariale : pour environ 1 M€/an
    • Hausse du point d’indice non compensée de Juillet à Décembre 2022, idem de Juillet à Décembre 2023.
    • Plus grave, pour la première fois dans l’histoire, la hausse de 1,5% du point d’indice n’a été compensée qu’à moitié (0,75% donc) à partir de janvier 2024, de manière pérenne ! De même que les 5 points d’indice de Janvier, la hausse du SMIC et les revalorisations des grilles de catégorie C, B et ASI,
    • La hausse de l’abonnement transport n’est quant à elle pas du tout compensée
    • Et bien sûr, concernant les agents contractuels, la hausse du point d’indice, la revalorisation des primes, des … : rien n’est compensé par l’état. Autrement dit, quand le point d’indice est gelé, “tout va bien”, mais quand ce n’est plus le cas (enfin !!!), le surcoût est conséquent pour l’établissement.
  • Sur le fonctionnement, pour plus de 2M€/an malgré des restrictions (fermetures à noël et février par exemple) :
    • la dotation de l’état n’a été revalorisée que de 1,1%/an en moyenne entre 2022 et 2024 alors que l’inflation était très forte (environ 5% chaque année)
    • Explosion du coût de l’énergie (doublé en 4 ans) et des travaux .

Notre cas n’est pas isolé, France Université (nouveau nom de la Conférence des Présidents d’Universités) alertait déjà en Septembre 2023 : Financement des universités : faute de compensation, les mesures Guerini aggraveront la situation des établissements et de leurs étudiants

Autrement dit si l’État assumait ses responsabilités, nous aurions beaucoup plus de sérénité pour réfléchir à une organisation différente de l’établissement ! La CGT exige des moyens à la hauteur des besoins, sur un enjeu vital pour le pays !

A ce stade, nous tenons à préciser qu’en aucun cas nous n’opposons les personnels entre eux, et que quels que soient leurs statuts, toutes et tous remplissent des missions importantes pour l’établissement. C’est pourquoi nous nous sommes toujours battus pour l’égalité de traitement entre titulaires et contractuels, et avons fini par obtenir satisfaction. Fort heureusement, cela n’est pas remis en cause.

En revanche nous pensons toujours que la proportion actuelle des personnels contractuels est anormale et qu’il faudrait un grand plan de titularisation financé par l’Etat. Par ailleurs nous attirons l’attention sur le fait que la sortie de PRE n’a jamais conduit à un retour à la ‘normale’ : tous les postes d’E/EC n’ont pas été récupérés du plan précédent, à quoi il faut ajouter les 30% d’étudiant·e·s supplémentaires et l’apparition de nombreuses formations satellites (master, etc…).

Des points de vigilance

Les mesures qui vont être mises en œuvre et leurs modalités d’application ne seront connues qu’à l’automne, nous n’entrerons donc pas ici dans le détail. Mais plusieurs points nous alertent et seront à regarder de très près :

  • Baisse de la masse salariale IATS de 11% en 4 ans : c’est considérable ! La direction affirme ne surtout pas vouloir imposer un gel de poste brutal et faire faire le même travail avec (beaucoup) moins d’agents, et donc pour cela réorganiser les services afin d’en augmenter l’efficacité et compenser les pertes de postes. Dont acte. Mais il faut être conscients que pour réussir cela, c’est une transformation profonde qu’il faut opérer, ce n’est pas superficiel, et certains métiers pourraient se transformer significativement. Le budget d’investissement alloué à cette réorganisation est estimé à 300 K€ par an, pour la durée du CRE. Au vu des coûts d’acquisition d’outils informatiques, de mise en place de procédure et de journées de formations, ce montant ne nous semble pas suffisamment argumenté. Nous attirons l’attention sur les difficultés engendrées par une réorganisation simultanée à une réduction des personnels, la mise en place de nouvelles méthodes et outils de travail. Par ailleurs, celles-ci suffiront-elles ? On peut se demander si la structuration de l’établissement ne devrait pas être interrogée ?
  • Baisse d’au moins 15% des surfaces immobilières exploitées par l’établissement : ce ne sera pas tout de suite, ce sera réfléchi et progressif, et d’après la direction cela concernera tout le monde. Il n’en reste pas moins que c’est un gros effort ! A cet égard, nous souhaitons alerter sur ce que nous ne souhaitons pas voir arriver :
    • Nous rappelons que le télétravail doit rester un choix individuel, et nous ne voudrions pas d’un télétravail imposé pour organiser une rotation des agents “optimisée”
    • Dans le même ordre d’idées, nous ne sommes pas favorables à la généralisation du concept de “flex-office”. Cette pratique consiste à supprimer le bureau individuel (siège, téléphone, caisson, etc...) pour le partager entre plusieurs agents en télétravail des jours différents. Nombre d’études ont montré que cette pratique pouvait générer des risques organisationnels (RPS).
    • En revanche, pas sûr que la situation actuelle soit tout à fait équitable en termes de répartition et même de taille des bureaux. C’est peut-être l’occasion de réexaminer tout cela.

Pour terminer, nous contestons fermement l’augmentation des frais d’inscription des étudiants. Ce serait ni plus ni moins remettre le service public en cause. Sur ce sujet, l’argumentation évolue selon le moment, d’un côté en déplorant l’augmentation des frais d’inscription du plan ‘Bienvenue en France’, qui fait fuir les étudiants étrangers, au soit-disant non attrait d’une formation au coût trop faible, de soit-disant moindre valeur .

Le prétexte de compenser cette hausse et de ne pas nuire aux étudiant·e·s de familles modestes par la mise en place d’un système de dérogations et de bourses d’établissement n’est pas non plus acceptable. Non seulement il s’agit d’une procédure qui aura un coût de gestion conséquent, mais en plus elle accroît la dépendance et les difficultés des étudiant·e·s n’en bénéficiant pas. Grenoble-INP, initiateur de transitions, et plus largement le gouvernement, gagnerait à s’inspirer du modèle danois de revenu étudiant, pour libérer les étudiant·e·s du travail alimentaire, et réduire la pression familiale.