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Menu ☰Accueil > Personnels > Enseignants-chercheurs : Infantilisation et perte d’indépendance
Avec la LRU, le gouvernement consacrait l’éclatement du service public d’enseignement supérieur et donnait le coup d’envoi du processus de privatisation de fait des universités. Le Plan Carrières 2009-2011 présenté par Valérie Pécresse le 20 octobre 2008 s’inscrit très précisément dans la logique de cette politique. Le projet de décret modifiant celui de 84 qui porte statut particulier du corps de maîtres
de conférences et du corps des professeurs d’université poursuit ce mouvement et met en oeuvre, très concrètement, la remise en cause de ce statut particulier.
Ce décret s’inscrit donc dans le prolongement de la loi LRU dont la FERC-Sup CGT réclame toujours le retrait.
Première application du Plan Carrières 2009-2011, ce décret introduit l’instabilité dans la carrière des enseignants-chercheurs ; il leur réclame plus de productivité et instaure l’individualisation de leurs
carrières. C’est la non-reconnaissance de leur investissement constant et de leur contribution active à l’éducation et à la diffusion du savoir. Alors même que dans sa conférence du 20 octobre 2008 la
ministre affirmait que « l’enseignement n’est pas reconnu à sa juste place » et que l’un des objectifs majeurs qu’elle assignait au chantier dédié aux personnels était d’ « améliorer l’attractivité des métiers et des carrières », pour les maîtres de conférences, le seul progrès proposé se résume à l’unique réduction d’une année, en tout début de carrière, pour passer du premier échelon au deuxième échelon.
La FERC-Sup CGT réclame un corps unique des enseignants-chercheurs ainsi qu’une refonte totale de la grille indiciaire qui constitue une revalorisation pour l’ensemble des enseignants-chercheurs, et pas
seulement plus à un corps qu’à un autre.
Avec l’autonomie et la loi sur l’innovation, les universités ont été mises au service de l’industrie et du commerce. Avec ce décret, les enseignants sont mis au service des « présidents stratèges » de ces
nouvelles universités. La déconcentration des actes de gestion vers les présidences d’université, confirme bien le désengagement de l’État que nous dénoncions déjà lors du vote de la LRU. Les seuls pouvoirs que conserve l’État sont la nomination et la radiation, des professeurs par le Président de la République, des maîtres de conférences par le Premier Ministre. Tous les autres actes de gestion des carrières des enseignants du supérieur, la titularisation, la délégation, la mise à disposition, la réintégration, les congés pour recherches ou conversions thématiques, relèvent désormais de l’autorité des seuls chefs d’établissements. Pour ce qui concerne les services demandés aux enseignants, il en va de même : c’est le président d’université qui arrête la décision des services dus par chaque enseignant-chercheur
sans obligation que celui-ci soit consulté. Avec la déconcentration des actes de gestion, déjà en oeuvre pour les personnels BIATOS, cette individualisation des services et des carrières, affaiblit considérablement le statut particulier des enseignants du supérieur de la Fonction Publique. C’est une remise en cause radicale du statut en tant que référence nationale puisque désormais tout se gère, se
négocie et se décide au niveau local. Qui plus est, sans aucune instance de recours et de négociation pour les enseignants.
La FERC-Sup CGT combat cette dérive qui concentre l’essentiel du pouvoir sur les présidents et qui remplace une gestion et une administration nationales qui s’impose à tous les établissements publics
d’enseignement supérieur par un système où chaque établissement édicte ses propres règles de gestion et d’administration des ressources humaines sans aucun recours possible.
Ce décret érige la contrainte et l’évaluation en principes de gestion des carrières des enseignantschercheurs.
Désormais, avec l’évaluation quadriennale des enseignants-chercheurs et la redéfinition des services qui s’en suivra, l’enseignement apparaîtra comme une sanction infligée aux « mauvais » chercheurs. La culture du « mérite » et de « l’excellence » qui ne concernera qu’une faible proportion d’enseignants-chercheurs ne peut qu’aboutir à la détérioration de la qualité de l’enseignement supérieur si les enseignants-chercheurs sont éloignés de la recherche. Mais c’est aussi une dégradation de leurs conditions de travail puisqu’à volume constant du potentiel global d’enseignement, l’allègement de la charge d’enseignement de quelques privilégiés se traduira inévitablement par
l’alourdissement de la charge d’enseignement de tous les autres collègues. À cela s’ajoute que les enseignants n’ont pas le choix et qu’ils n’ont pas la possibilité d’un recours. Cet asservissement des
enseignants-chercheurs à la gestion financière et au résultat est inacceptable et la FERC-Sup CGT réclame le retour au caractère collégial et élu des instances de gestion des recrutements et des carrières des enseignants et enseignants-chercheurs.
La FERC-Sup condamne l’ensemble du dispositif et demande la création d’une instance nationale de recours qui garantisse le respect du statut de la Fonction Publique et que les enseignants-chercheurs pourront saisir s’ils souhaitent contester les décisions prises à leur encontre par leurs présidents en matière d’évaluation, de modulation de services ou d’avancement. Pour le processus d’évaluation imposé par ce décret qui constitue une disposition nouvelle de la gestion des carrières et de l’activité des enseignants-chercheurs, la FERC-Sup CGT demande un moratoire de 4 ans minimum pour la remise du premier rapport d’activité afin que tous les enseignants du supérieur aient la possibilité de
réorganiser leur travail et puissent se préparer dans les meilleures conditions possibles, en pleine connaissance des nouvelles règles qui leur seront appliquées pour leur évaluation et donc pour l’avenir
de leur carrière.
Ce décret ne tient absolument pas compte des autres catégories d’enseignants qui interviennent dans l’enseignement supérieur. Il n’y a, par exemple, aucune disposition particulière sur le rôle et les
perspectives offertes aux PRAG ou PRCE qui contribuent depuis longtemps à l’enseignement supérieur. À côté de cela, la création de chaires mixtes universités-organismes de recherche bénéficiant de nombreux avantages financiers va instaurer dans les universités une catégorie de
maîtres de conférences privilégiés. Ce qui porte atteinte au principe d’égalité de traitement des fonctionnaires. Pour autant, l’avenir de ces maîtres de conférences placés en délégation dans des organismes de recherche dès leur recrutement n’est pas clairement défini. Notamment pour ce qui concerne les conditions de leur retour dans le système d’enseignement de l’université qui les aura recrutés, dès lors que leur délégation prendra fin à l’issue de la période de 5 ou 10 ans suivant qu’il y aura eu renouvellement ou non. De plus, ces chaires sont largement financées par les organismes de recherche qui les accueillent. Ces emplois sont donc créés au détriment des organismes de recherche où, dans le même temps, des postes sont supprimés. Ce qui signifie que, globalement, il n’y a pas de création de postes mais un transfert de ressources humaines des organismes de recherche vers les
universités. Le renforcement du potentiel d’enseignement des universités ne peut se faire au détriment du fonctionnement et de la nature des organismes de recherche. C’est au contraire de développement
conjoint et de solidarité entre universités et organismes de recherche que la recherche a besoin et tout particulièrement la recherche fondamentale qui est aujourd’hui sacrifiée par le gouvernement au seul
profit de la recherche lucrative, mise au service des grands groupes industriels et financiers. La qualité de l’enseignement, à tous les niveaux (licence autant que master), a aussi un besoin impérieux de ce
développement conjoint.
Même si lors du CTPU, la ministre affirmait être « très attachée » au statut de fonctionnaire et vouloir défendre avec « toute sa volonté » la Fonction Publique d’État, on le voit aisément, ce décret constitue
une réelle agression contre le statut particulier des enseignants-chercheurs qui perd son caractère national et les garanties qui y sont attachées. C’est pourquoi la FERC-Sup CGT réaffirme son opposition à toute individualisation des carrières et son attachement au service public d’enseignement supérieur et de recherche qui, seul, peut garantir l’indépendance de ses personnels, de l’université et de
la recherche vis à vis des pressions de toutes natures, notamment économiques et politiques.