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La CGT avait été informée que l’Inspection Générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR) travaillait sur de possibles évolutions du statut des ITRF (ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation), les métiers d’appui à l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR), lors de nos auditions les 10 novembre et 1er décembre 2023.
Précisons immédiatement que nous dénonçons les conditions d’opacité et de mystère dans lesquelles les inspecteurs ont mené leurs auditions, en refusant de nous transmettre la lettre de mission que leur avaient confiée les ministres concernés, contrairement aux usages et aux règles de transparence du service public. Par ailleurs, ce rapport n’a pas été transmis avant sa publication aux organisations représentatives par le ministère.
Il nous semble toujours salutaire de consulter les travailleuses et travailleurs et d’envisager des pistes d’évolution du service public, afin de répondre aux évolutions de la société et aux attentes des citoyenn·es, dans une logique de progrès social. Depuis la création de ces deux statuts dérogatoires en 1983 (ITA) et 1985 (ITRF), le nombre d’étudiant·es en France a plus que doublé, la proportion de bachelier·es d’une même génération a triplé, et les enjeux scientifiques et technologiques sont devenus encore plus essentiels par exemple pour envisager l’indispensable bifurcation écologique.
Nous proposons dans ce communiqué de balayer les éléments et les recommandations de ce rapport, en les confrontant aux propositions et revendications de la CGT FERC sup, CGT INRAE et SNTRS CGT.
Cette lettre de mission est fournie en annexe 1 du rapport ; nous y découvrons enfin l’objet du rapport, qui concerne autant les personnels techniques et administratifs (IT [1]) que les ITRF, ainsi que les explications des ministres du MESR et du MEN qui justifieraient, selon eux, la nécessaire évolution de ces statuts (« filières » dans le rapport) par :
• L’évolution du paysage de l’ESR depuis la création de ces statuts (en 1983 et 1985 respectivement) ;
• Le rapport de la Cour des Comptes sur le temps de travail des BIATSS ;
• L’attractivité médiocre des emplois d’appui de l’ESR ;
• Le besoin de simplification des métiers (4 statuts et de nombreux corps différents) et de « déconcentration » de la gestion.
Le constat partagé et mille fois répété de l’effondrement rapide de l’attractivité de ces métiers (de 8,3 candidat·es / poste aux concours ITRF en 2018 à 4,3 candidat·es / poste en 2022) ne constitue pas une surprise du rapport, d’autant moins que la raison essentielle est connue : l’inquiétant décrochage de nos rémunérations, indemnitaires et indiciaires, avec l’inflation en général (27 % de perte de pouvoir d’achat depuis 2000), mais également par rapport au reste de la fonction publique d’État (FPE) en particulier (de -20 % à -80 % de primes). La CGT FERC Sup, le SNTRS-CGT et la CGT INRAE mettent également en avant le détricotage du service public de l’ESR, que ce soit par le manque de postes statutaires pour assurer les missions ou par les innombrables changements imposés en 20 ans par les différents gouvernements (« l’autonomie », les ComUE, les fusions, les suppressions de services...).
Dans ce contexte, les modestes avancées arrachées lors des négociations menées entre 1999 et 2002 sur l’Aménagement et la Réduction du Temps de Travail (ARTT), dont on peut contester le chiffrage (9 % de temps de travail en moins), n’améliorent en rien l’attractivité. Enfin, l‘augmentation de la part des contractuels dans un contexte général de baisse du taux d’encadrement des étudiant·es dégrade toujours plus les conditions de travail.
Par ailleurs, nous ne saurions partager cette soif de « déconcentration », corollaire dangereux d’une soi-disant « autonomie » des établissements d’ESR qui, depuis 2007, n’aura eu de cesse d’affaiblir le service public de l’ESR et de dégrader les conditions de travail et d’étude.
On peut partager une partie des constats effectués dans ce rapport, notamment quand il souligne des règles de reclassement après recrutement très défavorables aux ITRF (par rapport aux IT et aux enseignant·es, suite aux nouvelles règles de 2023), les difficultés spécifiques de recrutement dans les métiers du numérique, l’extinction progressive du statut des AENES au profit des ITRF BAP J, mais aussi le décrochage des rémunérations notamment au regard des autres fonctionnaires ayant des compétences et des missions comparables dans le reste de la fonction publique.
Par contre, les constats sur le coût des concours (sic !), la trop grande étanchéité entre les statuts ITRF et IT, ou le temps de travail des BIATSS pourraient ouvrir la porte à des pratiques dangereuses (fragilisation des concours ou reversement des IT vers le statut ITRF par exemple).
Pour y répondre, le rapport préconise d’amplifier encore la gestion déconcentrée des ITRF. Enfin, sous couvert de « simplification », il préconise de fusionner les statuts ITRF et IT. Ces réponses idéologiques et politiques sont très éloignées du réel du travail. Contrairement aux ITRF, les IT n’ont pas dans leurs statuts des missions liées à l’enseignement.
Dans le détail, les inspecteurs proposent 14 recommandations et 4 « scénarios » pour l’évolution de l’architecture des statuts ITRF et IT, de portées variables mais pouvant être rassemblées en quatre catégories :
Sur ce point, la mission de l’IGESR :
• « fait sienne l’ensemble des recommandations » de la Cour des Comptes sur le temps de travail des BIATSS, que la CGT avait dénoncées. Elle recommande d’abroger la circulaire 2002-007, de remettre à plat le cadre juridique et d’augmenter le temps de travail des BIATSS. En contrepartie, et après cette remise à plat, elle préconise d’engager le volet sur les salaires ;
• Propose une revalorisation indiciaire des catégories A (les catégories C et B sont oubliées car « communes avec le reste de la FPE ») en :
• Ajoutant un troisième grade au corps des IGE/IE culminant en Hors Echelle A (HEA) pour l’aligner sur le A-type ;
• Ajoutant un troisième grade à accès fonctionnel (GRAF IGR général) au corps des IGR/IR culminant en HEC, voire HED, l’accès
à ce grade serait conditionné à l’occupation de certaines fonctions à très hautes responsabilités ;
• Améliorant les possibilités d’avancement de corps en s’alignant sur les nouvelles règles en vigueur dans la fonction publique territoriale, nettement plus favorables ;
• Souligne qu’il faudrait également revoir les grilles de chercheur·es et d’enseignant·es-chercheur·es, en lien avec la récente réforme de la haute fonction publique, en les alignant sur les grilles d’administrateur de l’État (amplitude de l’IM 571 à l’IM 1575) ;
• Propose une revalorisation indemnitaire, mais en renvoyant la responsabilité aux établissements pour en faire un « levier d’attractivité » (sic !), par exemple équilibrant mieux les parts IFSE (indemnité fonction, sujétion, expertise) et CIA (complément indemnitaire annuel, à la tête du client). En clair, le RIFSEEP, tout le RIFSEEP, rien que le RIFSEEP !
• Propose de supprimer le corps des Assistants ingénieurs (ASI / AI) ;
• Encourage chaque établissement à développer sa « marque employeur » (sic !) en « mettant en avant les valeurs et engagements partagés par l’ensemble des employeurs publics et mis en œuvre au quotidien par leurs agents » (re-sic !) et en s’appuyant sur « une promesse employeur : « Faire vivre ce qui nous unit et construire une société juste, durable et innovante » (re-re-sic et dix de der !). A souligner que le rapport relaie les doutes de plusieurs de leurs interlocuteurs·rices, soulignant « qu’une marque employeur bien identifiée ne résiste pas au niveau des loyers parisiens ».
• Organiser les concours par famille plutôt que par branche d’activité professionnelle ; professionnaliser les jurys de concours (plan de formation des membres de jury) ;
• Transposer les modalités de recrutement appliquées dans la fonction publique territoriale à la fonction publique de l’État pour les filières IT et ITRF, c’est à dire de permettre aux chefs d’établissements de choisir leurs agents ITRF ou IT parmi un vivier de candidat·es ayant réussi le concours : principe des reçus/collés qui n’existe pas dans la fonction publique d’État ;
• Mieux former les nouveaux entrant·es à leur environnement de travail, via un plan de formation initiale obligatoire ;
• Déconcentrer les actes de gestion (de promotions ou disciplinaire) des ITRF. Les fusions aident à cela (très gros établissements, donc effectifs suffisants), mais c’est un problème pour les petits établissements, invités à « conventionner » entre eux, ou proposition d’acte de gestion au niveau des rectorats, pour ces « petits » établissements.
• Supprimer la dualité des fonctions administratives ITRF - AENES : les propositions de l’inspection ne sont pas très claires, mais iraient vers la suppression des BAP J et F avec le reversement des personnels vers les corps des statuts AENES et Bibliothèques ; Les EPST pourraient même accueillir des personnels de ces deux derniers statuts (on fait mieux en termes de simplification)
• Fusionner les statuts ITRF et IT ;
• Créer un corps unique en catégorie A à trois grades (de l’IM 395 à l’IM 1178, HEC), avec des concours externes dans chaque grade (niveau licence pour grade 1, master pour grade 2, accès grade 3 par avancement), en lien avec la réforme Guerini ; la question de la place du doctorat est posée, sans réponse...
• Pour les CROUS, constat de l’échec relatif de la fonctionnarisation, propose donc d’harmoniser les salaires et primes entre tous les agent·es des CROUS ;
• Pour les EPLE, propose d’étendre les missions des ITRF (nouvelles responsabilités, missions de prévention-sécurité, encadrement)
pour améliorer les perspectives de carrière ; propose un plan de requalification en catégorie B ;
• Pour les ITRF BAP E (informatique) des services déconcentrés du MEN : attente d’une hypothétique « filière numérique interministérielle attractive ». À mettre en perspective avec les salaires identifiés dans la note du 3 janvier 2024 de la 1ère ministre dans le cadre du RMFP (référentiel métier de la fonction publique) des métiers du numérique.
Les inspecteurs généraux confirment, hélas, ce que la CGT dit depuis des années : ITRF et IT sont les grands perdants de la fonction publique d’État. Ce ne sont pas les seuls ; les précaires (contractuel·les et vacataires) en nombre grandissant et de plus en plus mal payés, comme les chercheur·es et enseignant·es-chercheur·es soumis à une charge de travail croissante ainsi qu’à une évolution de leur métier, confirment le fait que l’ESR est un secteur abandonné par l’État depuis des décennies, contrairement aux mensonges proférés par les ministres successifs sur un « engagement » de l’État en faveur de l’ESR qui n’a jamais existé, contrairement aux dizaines de milliards d’€ accordés aux employeurs privés pour financer une Recherche et Développement hypothétique.
L’attaque sur le temps de travail des BIATSS est un nouveau contre-feu, après celui allumé par la Cour des Comptes, pour ne pas instruire l’enjeu plus général et crucial de la politique de l’ESR en France. La question de la baisse générale du temps de travail, à la journée, à la semaine, à l’année et sur toute la vie, doit être posée au plus vite, afin de contribuer à l’amélioration des conditions de travail, au progrès social et aux efforts en faveur de l’environnement et du climat.
Les salaires dans l’ESR, et plus généralement dans l’ensemble de la fonction publique, doivent être augmentés via une hausse de 25 % du point d’indice, puis être indexés sur l’inflation, afin de corriger 25 ans de dégradation du pouvoir d’achat des fonctionnaires.
Comme le laisse entendre le rapport, il est en effet indispensable d’ouvrir le chantier des grilles, mais en commençant par les collègues des catégories B et C, qui sont les grands oubliés du rapport, et sont pourtant indispensables au bon fonctionnement de l’ESR. Ces grilles ont été mécaniquement et implacablement aplaties par l’inflation et les augmentations successives du SMIC.
S’agissant des grilles de catégories A, le rapport reprend quelques pistes de la CGT FERC Sup, du SNTRS-CGT et de la CGT INRAE, mais en limite la portée en proposant que cette révision se fasse par l’ajout d’un grade fonctionnel plutôt que d’un grade normal, hypothèse que nous combattons : la CGT défend une fonction publique de carrière, qui sépare la détention d’un grade de l’occupation d’un emploi, seule garantie d’indépendance pour réaliser les missions de service public. Mais nous sommes prêts à participer au plus vite à une vaste négociation sur le sujet, incluant non seulement une évolution des grilles des ITRF/IT mais aussi celle des grilles des chercheur·es et enseignant·es-chercheur·es.
L’alignement indemnitaire sur le reste de la FPE doit être négocié spécifiquement, avec un échéancier et des engagements de l’État. Nous sommes très attachés à l’harmonisation générale des primes, entre ministères, mais également entre établissements et entre agent·es. Cette harmonisation permettra d’envisager d’intégrer enfin l’ensemble des primes au traitement indiciaire.
La déconcentration des actes de gestion des ITRF à l’échelle des établissements et universités est une impasse ; elle doit rester nationale pour les grandes décisions que sont les promotions et le disciplinaire. Quant à transposer les modalités de recrutement de la fonction publique territoriale aux agents ITRF et IT, cela relève de la provocation, ou d’une menace lourde de reverser les personnels BIATSS dans la territoriale, comme cela avait été fait pour les TOS en 2004 ; de quoi mettre le feu au secteur.
La décision de supprimer le corps des ASI et AI, en lien avec la liquidation des formations au niveau Bac+2 (transformation du DUT en BUT, prolongement des BTS par une licence pro…), marquerait la fin d’un corps à un grade (carrière sans entrave au sein du corps) et élargissant l’accès de la catégorie A. Nous ne pensons pas que cela diminuera la surqualification lors de recrutement de trop nombreux collègues.
La fusion des statuts ITRF et IT enfin ne simplifierait rien, puisque les deux statuts sont déjà parfaitement alignés en termes de corps, de grades, de grilles et de métiers, et peuvent continuer à l’être sans difficulté. Par contre, les missions des IT ne seraient plus dévolues statutairement à la recherche scientifique. Cette fusion ouvrirait la voie à la disparition des organismes nationaux de recherches, prélude de la fusion des corps des chercheurs et des enseignants-chercheurs. La CGT ne saurait accepter de s’engager dans un tel processus.
La CGT est prête à discuter du renforcement des corps AENES et Bibliothèques.
Les pistes de corps unique dans la catégorie A, même avec des bornes indiciaires de chaque grade constituant une réelle avancée, nous interrogent sérieusement en termes de reconnaissance des qualifications. De plus, la création d’un corps complètement atypique dans la fonction publique comporte des risques « d’isolement » en termes d’évolution temporelle.
Enfin, plusieurs propositions ponctuelles, comme le plan de formation initiale pour les nouveaux entrants, ou la formation des jurys de concours, sont à retenir.
La CGT FERC Sup, le SNTRS-CGT et la CGT INRAE revendiquent :
• de supprimer le Crédit Impôt Recherche servi aux entreprises sans aucune évaluation, ni contrôle, et de reverser
immédiatement les 8 milliards d’€ annuels de cette niche fiscale à l’ESR ;
• de consacrer 1,5 % du PIB à la recherche publique, et 2 % du PIB à l’enseignement supérieur ;
• la revalorisation du point d’indice de 25 % et son indexation sur l’inflation ;
• l’embauche massive de personnels titulaires sur des postes correspondant à leurs qualifications, pour assurer les missions ;
• de titulariser l’ensemble des contractuel·les qui assurent des missions pérennes ;
• une baisse générale et immédiate du temps de travail (32h sur 4j, retraite à 60 ans) ;
• le financement de ces mesures par la récupération de tout ou partie des 180 milliards d’€ d’aides publiques accordées chaque année aux employeurs privés, dont la majeure partie nourrit la rente.
ITRF : personnels universitaires ingénieurs, techniciens, de recherche et de formations
IT : ingénieurs et techniciens des organismes de recherche (CNRS, INSERM, INRAE, IRD, INED, INRIA)
AENES : Agents de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur, statut inter-ministériel de personnels administratifs TOS : Techniciens et Ouvriers Spécialisés, personnels de maintenance et d’entretien des collèges et lycées
BAP : Branche d’Activité Professionnelle des ITRF et IT RIFSEEP : Régime indemnitaire de la fonction publique
[1] Le rapport utilise à tort l’acronyme ITA, nous utiliserons l’acronyme correct IT pour désigner les ingénieurs et techniciens des EPST