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Menu ☰Accueil > Les dossiers > Les instances > Le CSA Ministériel > CT-MESR du 8 septembre 2022 – Échanges avec la ministre
Le Comité technique du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (CT-MESR) s’est tenu en mode hybride le 8 septembre 2022. Il était consacré exclusivement à des échanges avec Madame la Ministre.
Madame la ministre, nous saluons votre présence en cette instance, que votre prédécesseure n’avait que très peu visité. Nous espérons que cela signifiera que les instances et les représentant·es du personnel seront mieux respectés : nous vous rappelons que la CGT a dû aller jusqu’au Conseil d’État (et gagner) pour faire respecter les prérogatives de toutes les organisations syndicales dans ce ministère, en matière de négociations de salaire et de carrière notamment. Mais, Mme la ministre, ce n’est pas de « dialogue social » dont ont besoin les personnels de l’ESR et les étudiant·es, mais d’un changement drastique de politique et d’une réelle et immédiate prise en compte des revendications des salarié·es.
Nous voyons 4 urgences :
Les rentrées universitaires se suivent et se dégradent. Cela fait 13 ans que les effectifs d’étudiant·es augmentent. Cette année : +2,5 % (73.000 étudiant·es supplémentaires, soit 2,97 millions d’étudiant·es). En 10 ans le nombre d’étudiant·es à l’université a bondi de 20 %. Dans le même temps, le nombre d’enseignant·es-chercheur·ses a… baissé de 1,7 %. Faute de places dans l’enseignement supérieur public, faute de personnel tant administratif qu’enseignant et de locaux, des dizaines de milliers de bachelier·ères et de licencié·es ne trouvent pas de formation du tout, ou sont poussés vers le privé (notamment les BTS sous apprentissage et les écoles de commerce et gestion). Dans ces conditions, la prévision du ministère de départs en retraite massifs de personnels (+8,4 % cette année, +53 % d’ici 2029 pour les enseignant·es-chercheur·ses) laisse songeur… Les organismes de recherche ne sont pas mieux lotis. Ainsi, durant « la période de 2010 à 2020 » : le CNRS a perdu 11% de ses effectifs en 10 ans, soit environ 3 000 postes. Par ailleurs, l’emploi précaire sur ressource propre (appels à projet) représente 88 % des CDD de l’établissement en 2020.
La carrière, entre précarité et appauvrissement, attire de moins en moins. Le point d’indice a perdu 20 % de sa valeur depuis 2000. La revalorisation cet été du point d’indice de 3,5 % ou les quelques revalorisations de primes individualisées sont déjà mangées par l’inflation (6,1 % en un an en juillet 2022). Par comparaison, le Smic a été réévalué de 8 % depuis le 1er janvier 2021, et ce, sans aucun coup de pouce du gouvernement !
Les quelques rafistolages des bas de grilles de catégorie C et B permettent difficilement de repasser au-dessus du Smic (1,7 % au-dessus du Smic pendant 6 ans pour le C1, pendant 3 ans pour le C2 et il faut 4 ans dans le B1 pour atteindre 6,6 % au-dessus du Smic – cf. Décrets qui viennent de paraître). Dans les fait, ces bricolages continuent d’écraser les grilles. Et évidemment, ils vont être engloutis par la prochaine revalorisation du Smic. Sauf… si le gouvernement entend la colère des agent·es publics et augmente immédiatement la valeur du point d’indice de 10 %, et l’indexe sur le coût de la vie, comme le revendique la CGT.
Ce n’est pas la loi de Programmation de la Recherche (LPR) qui va répondre à cette urgence : comme la FERC CGT le dénonçait, elle n’a pas permis d’augmenter le nombre de postes, mais elle accroît la précarité (chaires de professeurs juniors, CDI de mission et budgets ANR ne permettant que de recruter des contractuel·les).
Le dernier classement de Shanghaï, publié cet été, marque l’entrée de nouvelles universités françaises dans le « Top 500 » : grande victoire ? Les étudiant·es qui n’ont pas de place et qui subissent des conditions d’étude déplorables, ainsi que les personnels qui se démènent tant bien que mal, n’en ont que faire ! Même du point de vue de certains dirigeants, ce classement, qui a servi de justification idéologique aux restructurations de l’Enseignement supérieur et de la Recherche depuis quinze ans (LRU, fusions, établissements expérimentaux, etc.) perd de sa superbe. Madame la ministre vous le reconnaissez vous-même en déclarant que : « les classements ne sont évidemment pas l’alpha et l’oméga ».
Madame la ministre, allez-vous remettre en cause la politique de fusion d’établissements et mettre fin aux établissements « expérimentaux » dérogatoires ?
Et qu’annonce le Président de la République Macron ? « La fin de l’abondance » ! Parce qu’il y avait une abondance dans la recherche et l’enseignement supérieur ? Le personnel et les étudiant·es ne s’en sont pas aperçus. Pendant que les rentiers du CAC40 continueront de voir leurs revenus augmenter de plus de 30 % par an, les universités et les organismes de recherche vont continuer d’organiser la pénurie, l’inflation va continuer de manger nos salaires et pensions, nos systèmes de retraites vont être une nouvelle fois attaqués !
Madame la ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises vouloir remettre des budgets récurrents dans les laboratoires de recherche et sortir ainsi du tout appel à projet. Mais quelle sera votre marge de manœuvre avec ce slogan de « fin d’abondance » ? Pensez-vous que votre volonté d’obtenir une compensation du GVT (glissement vieillesse technicité) pour les établissements de l’ESR sera entendue par Bercy ? Pensez-vous seulement que chaque établissement se verra attribuer une ligne budgétaire pour compenser la hausse du point d’indice de 3,5 % pour l’année 2022 mais aussi 2023 ?
Comment les établissements de l’ESR vont-ils faire face aux augmentations du coût de l’énergie cet hiver ? Comment les amphis, les laboratoires et les bureaux vont-ils être chauffés cet hiver ?
Vous déclarez mettre au cœur de votre dispositif les étudiant·es, or l’hiver va être rude pour tous les français et en particulier pour les plus pauvres, catégorie sociale qui comprend nombre d’étudiant·es. Quel plan comptez-vous mettre en œuvre pour leur permettre de continuer leurs études ? La revalorisation des bourses de 4 % est notablement insuffisante. Allez-vous les augmenter à nouveau ? L’investissement massif des œuvres universitaires est-il prévu ?
Vous avez déclaré cet été travailler à une simplification de la LPR, sur certains points qui nous ont été présentés en début de semaine : des modifications à la marge qui ne changent pas le fond. Or, ce n’est pas de « simplification » de la LPR qu’a besoin le secteur, mais de sa remise en cause complète, afin de commencer à réduire –enfin– la précarité.
Nous restons fermement opposés aux CDI de mission scientifiques et aux Chaires de professeur·es juniors (CPJ). En ce qui concerne les CPJ, un recours devant le Conseil d’État est en cours d’instruction, dans notre mémoire, nous démontrons que ces Chaires de professeur·es juniors sont contraires au sens du droit au statut de fonctionnaire. Simplifiez : abrogez les Chaires de professeur·es juniors et les CDI de mission !
Nous restons fermement opposés à l’individualisation des rémunérations, aux primes au prétendu mérite, que le gouvernement précédent a considérablement aggravées : RIFSEEP et RIPEC… Simplifiez : supprimez le CIA du RIFSEEP et le volet C3 du RIPEC, revenez aux primes statutaires égales par grades, ré-indexez les sur le point d’indice (les gouvernements précédents ont supprimé l’indexation !) et augmentez-les uniformément pour toutes et tous. Mieux : intégrez-les dans les traitements !
Exemple pour simplifier le RIPEC : nous avons une proposition qui évite toute césure : intégrez l’enveloppe C3 dans le C1 pour tous les chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses, sans dossier ni perte de temps pour demander et valider quoi que ce soit ! Idem pour le CIA : affectez les budgets à tous les personnels.
Les ingénieur·es de recherche (IGR et IR) subissent toujours le blocage de carrière dû aux 3 grades. Simplifiez : mettez en œuvre la fusion des deux premiers grades des IGR et IR, qui est revendiquée depuis longtemps par la CGT !
Mieux : pour tous les corps, intégrez les propositions CGT de grilles, qui prennent réellement en compte les qualifications et évite la Smicardisation des grilles !
En ce qui concerne la structuration de la recherche, pouvez-vous nous donner votre position sur la gestion des unités mixtes de recherche ? Dans votre intervention devant les sénatrices et sénateurs au mois de juillet, vous semblez dire votre attachement aux UMR (unités mixtes de recherche) comme structure incontournable de l’élaboration de la recherche. Pouvez-vous nous donner votre vision quant à la gestion de celles-ci ?
Avant de conclure, nous aimerions savoir si vous allez répondre à notre courrier en date du 24 juin comme vous vous étiez engagé. Notre demande porte sur la convocation d’un CT-MESR pour débattre des décisions prises dans l’annexe 4 de l’arrêté du 27 mai 2022 concernant la Formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail sur le périmètre des délégations régionales du CNRS de Paris et de Normandie.
Madame la ministre, votre gouvernement compte retarder à nouveau l’âge de départ en retraite. Il n’a pas revalorisé suffisamment le point d’indice, et ne l’a pas indexé sur le coût de la vie. Il n’a pas annoncé de plan massif de créations de postes dans l’ESR, ni la construction de locaux. Il n’a pas annoncé de remise en cause de la LPR. Faute d’inflexion rapide et radicale de politique, votre gouvernement porte la responsabilité de l’aggravation de la situation et de la colère qui se développe dans la population et parmi les agents du service public.
La CGT appelle d’ores et déjà avec FSU et SUD à une première journée de mobilisation le 29 septembre.