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Menu ☰Accueil > Les dossiers > Les instances > CNESER > Pour l’indépendance et la pérennité du CNESER disciplinaire
Depuis plusieurs années, les enseignants-chercheurs luttent pour défendre leur indépendance et en particulier la liberté intellectuelle indispensable à la qualité du travail pédagogique et scientifique. La nécessité de cette lutte s’est imposée face à des tentatives politiques de subordination hiérarchique des enseignants-chercheurs destinée à réaliser des économies budgétaires au sein des établissements en contraignant les enseignants-chercheurs à se charger d’activités supplémentaires : soit en charges administratives, pour pallier l’absence de recrutement suffisant en personnel BIATOSS ; soit en heures d’enseignement supplémentaires non rémunérées pour pallier, par l’introduction de la modulation de service, l’absence de recrutement suffisant en personnel enseignant dans les universités.
La mobilisation de plusieurs organisations syndicales, et tout particulièrement de la FERC Sup CGT, ainsi que des initiatives telles que la Coordination nationale des établissements scientifiques et universitaires ont permis de bloquer les dernières tentatives. Mais la menace repoussée d’un côté réapparaît aujourd’hui d’un autre : celui du contentieux disciplinaire. Alors que celui-ci était stable depuis plusieurs décennies (environ 2 affaires par an), il explose depuis cinq ans (avec environ 2 affaires par mois aujourd’hui) suite aux réformes de structures issues de la loi LRU et au désengagement financier de l’État par dispersion de la masse salariale dans les établissements et l’injonction faite à ces derniers de la réduire.
Cette croissance exponentielle du contentieux disciplinaire est en effet directement liée aux réformes en cours : les suppressions de diplômes, de laboratoires, de services, les fusions d’établissements, la réduction de l’offre de formation, génèrent des conflits interpersonnels de plus en plus nombreux que certaines présidences d’université, aux pouvoirs renforcés par la loi LRU, tentent de mater par des attaques disciplinaires abusives aux fins d’exemplarité et d’intimidation des autres collègues. De nombreuses situations, dans les universités, démontrent que la menace disciplinaire sert d’ores et déjà à contraindre des enseignants-chercheurs pour compenser le désengagement de l’État, en leur imposant des modulations de service se traduisant par une augmentation significative de leur service d’enseignement.
Le CNESER disciplinaire, juridiction nationale d’appel du contentieux disciplinaire, est ainsi devenu un obstacle et un enjeu central pour les présidences d’université qui voient un nombre croissant de leurs initiatives abusives annulées en appel par cette juridiction. Or les présidences d’université qui ont soutenu la loi LRU sont aujourd’hui au pouvoir au sein du ministère (cabinet de la ministre et directions centrales du ministère) et dans les instances qui entendent peser de tout leur poids sur la préparation des lois et décrets, notamment la Conférence des présidents d’université.
C’est dans ce contexte qu’intervient le blocage du CNESER disciplinaire, à l’initiative du Président de la juridiction et avec le complaisant attentisme du Cabinet. Depuis bientôt près de deux mois, ce blocage illégal porte atteinte à la continuité du Service public et affaiblit la juridiction. La FERC Sup CGT a vigoureusement dénoncé les facteurs déclencheurs (décision contestée et conflits personnels) et les motifs illégitimes de ce blocage (voir sur notre site nos différentes prises de position et interpellations du CNESER à ce sujet).
La situation est d’autant plus étonnante que le déni de justice est contraire au code de l’organisation judiciaire et au code de justice administrative, les jurisprudences à ce sujet de la Cour de Cassation et du Conseil d’État étant opposables, par plusieurs voies juridiques, aux juridictions ordinales. Les préjudices actuellement subis par les justiciables, étudiants et enseignants, sont considérables et la responsabilité tant juridique que financière de l’État est susceptible d’être engagée, tout prolongement du blocage actuel augmentant le niveau des charges y afférant.
En effet, l’injonction de la Ministre à mettre fin au déni de justice ne porterait pas atteinte à l’indépendance de la juridiction mais s’imposerait au contraire pour assurer la continuité du service public de justice. À l’inverse, la carence de l’État menace cette indépendance si le dysfonctionnement ainsi créé venait à être utilisé, comme prétexte à une réforme ou une réorganisation permettant de réduire son caractère de dernière instance de résistance et plaçant la juridiction sous contrôle externe, notamment de magistrats professionnels, au détriment de l’indépendance des enseignants-chercheurs.
Depuis le début de cette affaire, la FERC Sup CGT, ses élus au CNESER et au CNESER disciplinaire se battent pour préserver la crédibilité, la pérennité et l’indépendance de la juridiction. Tout a été tenté pour assurer la reprise du travail et la continuité du Service public : discussions et démarches internes, analyses juridiques, déclarations publiques et courriers aux autorités ; en vain. Le blocage perdure, au-delà du raisonnable.
Pour la FERC Sup CGT, le CNESER Disciplinaire doit rester une juridiction indépendante. Elle constitue, au niveau national, le dernier rempart face à l’arbitraire des présidents d’universités dont la politique est toute entière consacrée à la réduction de la masse salariale pour dégager des marges de manœuvre financières dans le fonctionnement d’établissements dont la plupart des acteurs convient aujourd’hui qu’il sont sous dotés.
L’indépendance des enseignants et leurs statuts ne sont pas menacés seulement par l’évaluation-modulation mais aussi par les abus de saisine disciplinaire et un éventuel affaiblissement du CNESER Disciplinaire, dernière instance de recours pour résister aux attaques dont ils peuvent faire l’objet, notamment en matière de modulation de service arbitraire pour défaut de recherche.
Selon l’aveu même de ceux qui préparent la nouvelle loi d’orientation de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la loi LRU doit être revisitée parce qu’elle n’est pas allée jusqu’au bout de l’autonomie des universités. Elle va donc renforcer cette autonomie et très certainement remettre à l’ordre du jour la question de l’évaluation des enseignants-chercheurs.
La FERC Sup CGT demande aux enseignants-chercheurs de rester vigilants pour être prêts à défendre leur juridiction disciplinaire. Il se peut en effet que leur mobilisation soit rapidement nécessaire pour assurer sa pérennité afin qu’ils puissent conserver une voie de recours, indépendante et nationale, qui leur permette de résister aux attaques dont ils seront victimes dans leurs établissements.