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mardi 15 novembre 2022

CNESER plénier du 15 novembre 2022 - Budget - Déclaration CGT

Intervention CGT au CNESER plénier – Budget – 15 novembre 2022

« Le budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (25.7 Mds d’€) progresse de près de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2022 [...] Il s’agit d’un budget en constante augmentation puisque depuis 2017, ce budget a augmenté de 3,6 milliards d’euros. »

Pour commencer, rappelons simplement et comparons

Le véritable premier poste de dépense dans le PLF 2023, ce sont les aides publiques aux entreprises qui s’élèvent à au moins 150 Mds € par an, soit l’équivalent de plus de 30% du budget de l’Etat : c’est deux fois le budget de l’Éducation nationale, six fois le budget de l’ESR. Rappelons le Budget consacré au Crédit Impôt Recherche : 7,4Mds € / an, versé surtout aux grosses entreprises. La fuite en avant continue donc bel et bien : la mise en faillite de nos services publics et de notre protection sociale continue pour assurer le capital.

Comparons également au budget de l’Armée prévu en 2023 : 43,9 milliards d’euros. Depuis 2017, hausse historique de 11,7 milliards de la dotation aux armées.

En apparence : + 1,1 milliard entre 2022 et 2023 (communication du gouvernement)

En réalité, au regard d’une inflation annoncée de près de 6%, il aurait fallu 1,476 Mds € pour, a minima, stabiliser le budget. Cette augmentation est d’ailleurs essentiellement utilisée pour la LPR (avec certaines mesures toujours autant discutables) et pour l’augmentation de 3,5 % du point d’indice partiellement budgétée par l’État. Donc, dans les faits, le budget de l’ESR perd 376 millions d’€ (euros constants).

Ainsi, et vous pourrez le lire dans l’avis présenté au nom de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education sur le projet de loi de finances 2023, pour la partie qui nous concerne : "Le rapporteur pour avis attire l’attention sur le fait que le budget de 2023 est en réalité en baisse de 2,15 % en volume (i.e. en euros constants), une fois les 500 millions d’euros dévolus à la revalorisation du point d’indice retranchés et l’inflation prise en compte."

Programme 172 « Recherches pluridisciplinaires »

Ainsi, au niveau de la recherche, le programme 172 « recherches pluridisciplinaires » augmente de 330 millions d’euros, soit +4,4 %, dont plus d’un tiers utilisé pour financer l’augmentation du point d’indice dans les EPST. 44 millions sont prévus pour l’ANR et seulement 81 millions pour les laboratoires. Le reste ira, entre autres, au financement des augmentations de primes liées à la LPR.

Ce budget pitoyable est imposé dans un contexte très tendu pour les organismes de recherche et les universités. En effet, pour le budget 2022, l’augmentation du point d’indice de 3,5% n’est pas compensée financièrement pour les établissements de notre ministère. Cela représente au bas mot 250 millions d’euros dont 37 millions pour le seul CNRS et env. 11 millions pour l’INRAe !

Programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire »

Au niveau de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire, le budget est en augmentation de 695 M€, dont :

  • 393 M€ pour des revalorisations salariales dont là aussi l’augmentation du point d’indice (364 M€), et comme pour les EPST, le non-financement des 3,5% de 2022, entrainent les établissements à ponctionner sur leur fonds de roulement pour compenser (6 M€ à Rouen, 20 M€ à Bordeaux ...). Doit-on rappeler ici que cela ne concerne que les emplois sous plafond, et laisse de côté le financement de nombreux contractuels ? Le calcul fait par les organisations syndicales atteint d’ailleurs plutôt 800M€ pour l’ensemble des personnels du MESR, là où le PLF 2023 prévoit de socler 500 M€ seulement pour l’ensemble des établissements d’ESR, les organismes et le CNOUS.

Ainsi, comme le précise encore une fois le rapporteur pour avis de l’Assemblée nationale : face à une inflation supérieure à 5 % en 2022 et à 4 % en 2023, l’effet conjoint des augmentations de revenus liées à la revalorisation du point d’indice et aux différentes mesures indemnitaires et indiciaires ne suffira pas à éviter une baisse de la valeur des rémunérations des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche.

  • 143 M€ pour la LPR : il s’agit ici de financer « la diversité des voies de recrutement » - dont les CPJ (nous n’en voulons toujours pas !), il s’agit également du financement de la mesure visant à ne plus rémunérer d’enseignant-chercheur en dessous de deux Smic, de renforcer, très légèrement, les moyens de base dans les laboratoires, de financer les repyramidages, et revaloriser les doctorants : on a donc ici, en fait, des mesures d’extrême urgence, qui ne rattrapent même pas le retard qu’on avait, qui ne rattrapent pas la perte du pouvoir d’achat de 20 à 25% que les personnels de l’ESR subissent depuis 2000.

Deux mots sur la facture énergétique  : les conséquences du désengagement de l’Etat s’expriment totalement dans l’exemple « très chaud » de la facture énergétique ; en 2023, le gouvernement ne financera l’augmentation de cette facture qu’à hauteur de 275 millions d’euros.... Tout en admettant conjointement avec les président·es d’université que la facture totale s’élèvera à 140 millions d’euros pour 2022 et 700 millions pour 2023. Il manquera donc 565 millions d’euros sur 2022 et 2023 rien que pour la facture énergétique.

  • 123 M€ pour la réussite étudiante, montant clairement insuffisant pour répondre à la croissance des effectifs étudiants, ce qu’on dénonce depuis des années, et chaque année ici au CNESER. Le nombre de postes de maîtres de conférences ouverts au concours a été divisé par 3 entre 1998 et 2020. Par conséquent, la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % et le taux d’encadrement est passé d’un enseignant pour 38 étudiant·es en 2012 à 1 pour 47 en 2019.

Pourtant, on le redit encore et toujours : le droit à la poursuite d’études ne peut être à géométrie variable. Il faut ouvrir des places, dans le public, en premier cycle mais également en master pour garantir ce droit et poursuivre l’élévation du niveau de formation pour toutes et tous. Il faut augmenter ce budget !

Programme 231 « Vie étudiante »

Et que dire du programme « vie étudiante » ?

Comment ne pas être atterré par sa "subtile" progression : 50 millions d’euros, soit 1,6 % ! Alors que de plus en plus d’étudiant·es sont en grande difficulté.

L’enseignement privé profite du désengagement de l’État

Aujourd’hui, on le répète, ce sont, dramatiquement, les formations privées qui profitent du désengagement de l’État pour le service public.

Nous vous conseillons vivement la lecture des notes du SIES, les dernières sorties cet été (https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/FR/note_flash_du_sies/, en particulier note SIES n° 20 juillet 2022, note SIES n° 12 juin 2022) où l’on voit que, en 10 ans (2011-2021), ce sont 584 000 nouveaux étudiants et étudiantes qui sont arrivés dans le Supérieur (public + privé), donc une augmentation de 25%.

  • dont 227 000 sont entrés à l’université (public), soit 16% d’augmentation, sans aucun poste en plus.
  • dans le même temps, les écoles de commerce, gestion... (qui sont privées à 99,5%) ont presque doublé leurs effectifs (+88%) ! et les STS et assimilés - apprentis (qui sont privés à 77.5%) ont pris +43,2% !

Entre 2020 et 2021, ce sont 74 000 étudiant·es en plus (public privé) :

  • 67 000 entrées dans le privé (qui se prend, tranquille, une hausse de 10% !)
  • 7 000 entrées, seulement dans le public (= + 0.3%)

On en est là ... C’est édifiant et votre budget ne va pas redresser la trajectoire : bien au contraire !

Il prévoit d’ailleurs une enveloppe de près de 100 millions € pour l’action 4, consacrée au soutien public en faveur de certains établissements d’enseignement supérieur privés.

Ce budget 2023, mis en parallèle avec les dispositifs de sélection que sont Parcoursup et le futur TMM (nous y reviendrons plus tard dans l’ordre du jour), montre une volonté délibérée de votre gouvernement de vendre l’ESR !

Des établissements privés d’enseignement supérieur post-bac, différents instituts catholiques, des écoles privées, d’art, de commerce ou de management, ont été largement intégrés ces dernières années dans les COMUE, puis dans les regroupements plus ou moins expérimentaux de l’ESR. Ils reçoivent des visas et des grades de l’Etat, tout comme certaines formations sponsorisées de façon scandaleuse par quelques grandes entreprises, tout comme des établissements privés hors de prix ; et vous, Ministère, vous continuez à en faire une promotion éhontée, à travers Parcoursup (qui est une plateforme PUBLIQUE) : en octobre 2021, un arrêté a autorisé l’intégration dans la plateforme de formations dispensées par des établissements privés qui ne sont ni sous contrat avec l’Etat ni d’intérêt général (une inscription au RNCP suffit).

Sous couvert d’une prétendue transparence, le MESR a organisé et organise encore, tranquillement, une véritable campagne publicitaire gratuite pour ces formations privées, qu’il met directement en concurrence avec des formations publiques reconnues mais qui elles, ont de moins en moins de moyens.

Voir aussi la déclaration au CT-U du 26 octobre 2022, sur le siphonnage des étudiants par l’enseignement privé, via ParcourSup.

Vous asséchez le service public, les conditions d’études et de travail se dégradent, le manque de moyens engendre l’intégration de logiques privées à tous les niveaux, même en matière d’emploi puisque les seuls financements et créations concernent, dans ce budget, de l’emploi hors statut (CDI de mission et CPJ).

Cette politique va-t-elle continuer ? Est-ce cela aussi que vous comptez faire de TMM ? C’est cela, le service public d’ESR que vous souhaitez ?

Pour le service public d’ESR

La CGT rappelle qu’elle défend le principe d’un service public d’ESR, ouvert à toutes et tous, d’égale exigence et qualité sur tout le territoire, gratuit, délivrant des diplômes nationaux, reconnus par les statuts et conventions collectives. Nous continuons à revendiquer l’abrogation de ParcourSup et de la loi ORE, nous nous opposons à la sélection à l’entrée de l’Université et en Master, nous demandons l’augmentation des capacités d’accueil afin de faire face à l’augmentation du nombre d’étudiant·es, le retour d’un financement récurrent et pérenne d’État ainsi que l’ouverture des postes statutaires nécessaires et, après 20 % de perte de pouvoir d’achat en 20 ans, une revalorisation salariale conséquente (point d’indice et grilles), pour redonner du sens au travail et à la carrière dans l’ESR.

Revendications

La CGT demande

  • pour l’Enseignement Supérieur un budget qui atteigne 2% du PIB (+ 2Mds€) - 10 universités en construction - 7500 postes de personnels tout de suite, et 6000/ an sur les 10 prochaines années
  • pour la Recherche un budget qui atteigne au plus vite les 3 % du PIB (1% pour la recherche publique ; +6Mds€), et ensuite un accroissement significatif du budget de la recherche publique permettant d’atteindre les 1.5% du PIB en 2030. Cet accroissement de budget doit s’accompagner d’une relocalisation des moyens sur les financements pérennes des organismes et des laboratoires et d’un nombre de recrutements statutaires conséquent.
  • enfin, la réaffectation à l’ESR public de tous les budgets alloués au privé, notamment par le moyen du Crédit Impôt Recherche.