"Pour un Service public national d'Enseignement supérieur et de Recherche laïque, démocratique et émancipateur"
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Cet arrêté, citons le texte de présentation que nous avons reçu pour ce CNESER, « répond à l’ambition portée à la fois par le projet de loi confortant le respect des valeurs de la République, et par le rapport d’étape remis au ministre par l’inspecteur général honoraire Obin… ».
Cet arrêté répond donc à une double ambition dont nous ne voulons pas.
Rappelons :
D’une part que ce projet de loi, adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 1er juillet est toujours un projet, et d’autre part, qu’il est largement controversé : en particulier la CGT, qui, tout en rappelant son attachement aux valeurs de la République « liberté, égalité, fraternité » et l’importance de la lutte contre la montée des obscurantismes, fustige depuis des mois un texte sécuritaire et idéologique, globalement punitif et qui instaure avant tout de nouveaux outils juridiques de sanctions.
Une tribune publiée dans Le Monde fin janvier dernier par un collectif d’associations, d’organisations de syndicats, dont la CGT, le rappelle :
« Présentée par le premier ministre comme une loi de liberté, elle n’impose que des interdits, de nouveaux délits pénaux et des contrôles de toute la population. Ce projet, dans la lignée d’autres tout aussi liberticides dont celui relatif à la sécurité globale, est dangereux car il franchit une ligne rouge en prenant le risque de rompre l’équilibre historique trouvé par les grandes lois laïques de 1882, 1901 et 1905. »
La CGT considère que l’engagement de l’État pour le respect des principes de la République doit s’appuyer sur les fondations du préambule de la constitution de 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat. ». A ce titre, l’urgence du gouvernement devrait être de réinvestir dans les services publics, en particulier ceux de l’Éducation, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche afin de ne laisser aucun territoire, aucune population de côté : « Il n’y aura pas de mobilisation réelle contre les dérives sectaires sans une lutte contre les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes, contre toutes les exclusions, les discriminations et le racisme. »
Le rapport Obin, quant à lui, qui jamais ne définit ce que sont la laïcité ou les valeurs de la République, met en cause des responsables de sites universitaires, citons « Naïveté, incompétence, complaisance » quand il est fait mention de « ces promoteurs d’une nouvelle laïcité « concordataire » » ou encore « d’égéries de la mouvance « décoloniale » ». Citons encore : « En guise de formation à la laïcité, on inflige parfois aux étudiants des cours ou des mémoires portant sur la « déconstruction » du discours officiel sur la laïcité, prétendant mettre à jour le « racisme systémique » d’un Etat « post-colonial » et « islamophobe ».
Ce rapport prévoit l’embrigadement des maîtres pour endoctriner les élèves : monsieur Obin fustige ces professeurs qui n’acceptent toujours pas qu’on substitue à leur indépendance acquise en 1945, « l’ éthique professionnelle, la déontologie et l’esprit de responsabilité de futurs fonctionnaires. »
Prévoyant une formation continue obligatoire, ainsi qu’une « épreuve » « laïcité et valeurs de la république » dans les concours de recrutement, il redoute d’éventuelles « réticences » à appliquer certaines propositions du rapport et en appelle à la vigilance contre « le corporatisme enseignant ».
La logique du « rapport Obin » est donc celle d’une « laïcité » disciplinaire et réactionnaire, une « laïcité » de la mise au pas : mettre au pas les élèves qui questionnent ; mettre au pas les enseignant·es qui luttent pour pouvoir travailler correctement ; mettre au pas les formateurs et formatrices, les cadres intermédiaires qui réfléchissent pour comprendre ; mettre au pas enfin les universitaires accusé·es de judéo-bolchévisme hier, d’islamo-gauchisme aujourd’hui !
Nous défendons l’héritage et l’actualité de la république laïque, démocratique, émancipatrice et sociale, qui fait vivre concrètement les principes de liberté et d‘égalité et qui combat toutes les formes de discrimination.
Nous les défendons contre votre laïcité, devenue une arme pour discipliner les corps et les esprits des « classes dangereuses ». Cette conception n’est pas la nôtre. La laïcité repose sur la liberté de conscience et de culte et la neutralité de l’état, dans la droite lignée de la loi de 1905.
La Fédération nationale de la Libre Pensée le rappelle : La laïcité dans une démocratie interdit mais n’oblige pas. Les enseignants ne sont pas les propagandistes d’une pseudo-laïcité d’État ou de « valeurs morales » à opposer à un hypothétique esprit communautariste qui menacerait la République une et indivisible. « Valeurs morales » qui, par contre, nourrissent chaque jour un peu plus le racisme et la xénophobie dans l’espace public.
La CGT reste attachée à la loi de 1905, et plus particulièrement à ses deux premiers articles : la liberté de conscience « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes » (art. 1) et la neutralité de l’état « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » (art. 2).
Comment se fait-il que « le prétendu expert Laïcité » Obin qui se permet de fustiger les collègues, ne cite même pas ces 2 articles dans son rapport ?
Comment comprendre toutes les diatribes sur la laïcité de la part de ce gouvernement qui (comme les précédents) subventionne et reconnaît l’enseignement privé largement confessionnel. Pour exemple, dans le Supérieur, l’annexe d’un projet de décret créant des contrats post-doctoraux de droit privé, énumère la liste les EESPIG (« établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général ») qui sont autorisés à utiliser ces post-docs. C’est édifiant : la majorité sont des établissements à caractère confessionnel :
Instituts catholiques de Lyon, Rennes, Paris, Lille, Toulouse
ICES (C=catholique) de La Roche sur Yon
ICAM (C=catholique) Lille, Toulouse, Paris Sénart, Ouest (Bretagne, Vendée, Nantes)
ECAM (C=catholique) Rennes, Lyon, Strasbourg
Facultés libres de l’Ouest (FLO/UCO Angers)
Faculté libre de Philosophie comparée (IPC)
Instituts protestants de théologie (Montpellier, Paris)
... (Sans compter toutes les écoles de business, de management, de commerces... )
Pour résumer, contrairement à l’instrumentalisation que veut faire de la laïcité ce gouvernement,
« La laïcité ne sépare pas l’homme de la religion, elle sépare l’État de la religion ! ». S’il est un point à améliorer et à développer, c’est bien celui-ci ! L’État et les collectivités territoriales ne cessent d’augmenter leurs subventions aux écoles privées, très majoritairement confessionnelles, au détriment du service public laïque d’enseignement. Nous dénonçons l’instrumentalisation du principe de laïcité, dévoyé de son sens réel, celui d’un principe régissant l’État et ses institutions et non pas la vie des individus.
Nous dénonçons la reconnaissance par l’État des EESPIG, le service public de l’ESR devant être réalisé par des établissements publics. La CGT revendique le retour au monopole de l’État de la collation des grades et, comme conséquence, l’abrogation de l’accord Kouchner/Vatican reconnaissant les diplômes religieux et laïques des instituts catholiques (décret n° 2009-427 du 16 avril 2009).
Cette dérive sert un double mouvement : un contrôle nouveau des faits et gestes des individus, une démission de l’État lorsqu’il devrait protéger l’enseignement public et laïque, ainsi que les franchises universitaires, conquises de haute lutte. Les protéger contre les ingérences du pouvoir et du clergé, contre les idéologies politiques, communautaristes mais aussi contre les injonctions économiques et commerciales. Hélas, laisser pénétrer les forces de police dans l’Université, vouloir y interdire tel ou tel vêtement, remettre en cause les libertés académiques des enseignantes-chercheuses et des enseignants-chercheurs sont autant d’atteintes aux franchises universitaires, franchises qui font des universités publiques des biens communs ouverts à tous, préservant la liberté absolue du savoir et de la recherche.
Aujourd’hui comme hier, la CGT continuera à défendre ces franchises universitaires, y compris contre les lois et mesures liberticides de ce gouvernement !