La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (ESRI) a été chargée par le premier ministre de préparer une loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Elle précise les objectifs du gouvernement dans une lettre en date du 15 mars 2019.
La CGT FERC Sup condamne fermement les orientations exprimées par le ministère, puisque, au-delà de déclarations générales sur le rôle social de la science et de poncifs sur l’intérêt de la recherche en matière de développement de la société, la lettre ministérielle avance clairement un programme de privatisation et de mutation néolibérale d’inspiration libertarienne (réduction drastique du poids de l’État limité aux seules fonctions régaliennes notamment) de la recherche publique. Programme qui progresse selon trois axes induits : le financement exclusif par projets, les recrutements hors statut et hors garanties d’emploi, la soumission de fait aux financements privés et au monde de l’entreprise capitaliste.
- Le financement par projets, défini comme « l’enjeu principal » de la programmation pluriannuelle, aura pour résultat d’aggraver et de généraliser le financement de la recherche par son inscription dans des projets qui devront se conformer à un pilotage technocratique favorisant le désengagement financier de l’État (Europe, privé, etc.). La ministre précise d’ailleurs qu’il faut cesser de parler de « financements récurrents », c’est-à-dire que les enseignant·es-chercheur·es (EC) et chercheur·es qui ne s’inscriront pas dans cette orthodoxie néolibérale et dans la logique d’entreprise auront de plus en plus de difficultés à poursuivre leurs recherches. Si les financements par projets l’emportent sur les financements récurrents, c’est l’instauration d’une concurrence et d’une compétition accrues et généralisées entre établissements et laboratoire sous couvert de recherche d’« excellence ». Élitisme, sélection et ségrégation sociale en seront d’autant plus renforcées !
- « L’attractivité des carrières », selon l’expression du ministère, est une formule trompeuse signifiant la volonté de détruire le statut de fonctionnaire des EC et chercheur·es en modifiant « leur mode de recrutement et de rémunération ». En clair, il s’agit de généraliser la précarisation et la libéralisation du marché de l’emploi dans la recherche, en privilégiant les « contrats de projet », « les contrats de mission », les « tenure tracks », les contrats modulables et autres variantes de la dérégulation néolibérale et libertarienne (privatisation de l’éducation et de la santé où chacun fait son marché par exemple). Cette dérégulation s’entend bien sûr dans le cadre de la réforme annoncée de démantèlement de la Fonction publique. La CGT FERC Sup rappelle que l’amélioration de l’attractivité ne peut pas passer par la destruction du cadre national d’emploi, mais suppose au contraire des hausses généralisées et conséquentes du point d’indice, des recrutements massifs sous statut de fonctionnaire, des moyens pour la recherche publique et des financements publics pérennes, soit l’exact contraire de la politique menée par le gouvernement Macron/Philippe/Vidal dans le domaine de l’ESRI.
- Enfin, le thème de « l’innovation », selon l’argumentation de la ministre, est synonyme de privatisation accrue de l’ESRI : les établissements sont sommés de « favoriser le financement privé » et d’adopter « une culture de la coopération avec le monde de l’entreprise », comme si la logique dominante de ce monde ne conduisait pas actuellement nos sociétés et notre planète vers une catastrophe humaine, politique et écologique. À l’encontre de ces intentions fortement inspirées par les penseurs d’un néolibéralisme libertarien (privilégiant en particulier l’individu contre l’intérêt général), la CGT FERC Sup réaffirme la nécessité de défendre et de renforcer un grand service public ouvert au plus grand nombre. Pour nous, la seule « loi de programmation pluriannuelle de la recherche » qui vaille, c’est un grand plan de relance urgente des financements publics pérennes de l’ESRI seuls garants du développement et de « nouveaux progrès du savoir et des connaissances » qui donneront au pays les moyens de « relever les grands défis intellectuels, technologiques, économiques et sociaux qui sont devant lui ». Un grand plan pluriannuel de la politique de recherche publique qui permette de préserver l’indépendance, la diversité et la qualité des conditions de travail des enseignant·es-chercheur·es, des chercheur·es, de l’ensemble des personnels de l’ESRI et des étudiant·es dans un grand service public national d’enseignement supérieur et de recherche laïque, démocratique et émancipateur.
L’enseignement supérieur et la recherche n’ont pas besoin de concurrence mais de coopération. Nous refusons la conception portée par la ministre d’une recherche utilitariste mise au service direct et exclusif du capital et de l’industrie privée. Si « ruptures conceptuelles » il doit y avoir, c’est avec le capitalisme et sa voracité boulimique.
La mascarade d’une démarche participative avec un site internet prétendument destiné à recueillir analyses et propositions des personnels de l’ESR auxquels on offrirait ainsi de contribuer à la réflexion et à l’élaboration de cette loi de programmation, effet secondaire du syndrome du « Grand débat » présidentiel, ne trompera personne. Les objectifs sont d’ores et déjà définis et contraints : le démantèlement du service public d’ESR qui fait miroir avec celui, également programmé, de la Fonction publique.
La CGT FERC Sup appelle les personnels de l’ESRI et les étudiant·es à amplifier la mobilisation pour s’opposer à la politique brutale, néfaste et destructrice imposée par le gouvernement.