"Pour un Service public national d'Enseignement supérieur et de Recherche laïque, démocratique et émancipateur"
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Le 7 décembre 2023, un raout avec 300 invités était organisé à l’Élysée pour permettre à Emmanuel Macron de faire des annonces sur l’hypothétique avenir de la recherche française. On notera qu’encore une fois, la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) était confinée à la fonction de gentille animatrice, les annonces étant réservées à Jupiter Macron. La CGT n’était pas conviée à ce raout.
Nous ne sommes que trop habitués au blabla présidentiel, mais il était particulièrement déplacé s’agissant de la recherche publique. Car encore une fois, ces annonces interviennent sans aucun bilan sérieux sur les conséquences catastrophiques de quinze années de restructurations incessantes du secteur de l’ESR. La réalité est très éloignée de l’auto-satisfecit présidentiel. Il n’y a pas d’argent et la soi-disant hausse de moyens pour l’ESR est négative en euro constant. La France est en situation de décrochage complet, comparée aux autres pays de l’OCDE : la part de richesse nationale consacrée à la recherche est passée de 2,28 à 2,22 % en France de 1993 à 2022, pendant que la moyenne des pays de l’OCDE passait de 2,02 à 2,66 % ; au nombre de publications mondiales, la France passe de 3,5 à 2,3 %, soit une baisse de 35 %. Enfin, comme il a dû le reconnaître assez piteusement, la France a été incapable de produire un vaccin contre le Covid-19, malgré une niche fiscale colossale de 7,5 Md€ (Crédit Impôt Recherche, multiplié par 10 depuis 2007) royalement distribuée aux entreprises afin de leur permettre de nourrir la rente plutôt que la recherche (les recrutements de jeunes chercheur·ses dans ces entreprises ne cessent de diminuer). C’est bien le seul point avec lequel nous sommes d’accord avec le Président : la France est la plus attractive par ses cadeaux fiscaux !
Ce décrochage international s’accompagne d’une dégradation catastrophique des salaires et des conditions de travail des agent·es de la recherche publique : effondrement du pouvoir d’achat (-27 % depuis 2000), paupérisation (plus de 100 000 agent·es de l’ESR public, soit 40 % d’entre eux, émargent à la prime de pouvoir d’achat des annonces Guerini, c’est-à-dire une rémunération totale inférieure à 39 000 € brut par an. L’érosion du point d’indice depuis les années 2000 se poursuit malgré une maigre revalorisation de +5,05 % qui est loin de compenser l’inflation (-10,5 % de perte de pouvoir d’achat en trois ans). Les ingénieurs et techniciens de l’ESR sont les seuls fonctionnaires à ne pas avoir eu de revalorisation indemnitaire en 2023. Dans les universités délabrées, laboratoires de recherche comme salles de cours sont parfois privés de chauffage, parfois d’eau et de toilettes ! Quant à l’autonomie initiée par Sarkozy en 2007 et régulièrement amplifiée depuis par tous ses successeurs, le constat est accablant : accentuation des inégalités territoriales déjà existantes, compétences élargies qui ont conduit à des milliers de gels de postes sous le plafond d’emploi, précarité et recul de l’âge d’entrée dans la carrière (après 35 ans, et non pas 25 ans comme semble le croire Macron), sélection à l’entrée de l’université et augmentation des droits d’inscription… Sans qu’aucun bilan sérieux n’est été tiré de ce désastre, on nous annonce un acte II ?
Macron ne semble pas vivre dans le même monde que les travailleur·ses du secteur ! Les financements de la Loi de Programmation de la Recherche (LPR) ne couvrent même pas l’inflation. Les restructurations permanentes, y compris sous l’ère Macron, sont les principales responsables de l’invraisemblable échafaudage techno-structurel que doivent affronter les chercheurs au quotidien, quels que soient leurs statuts. Enfin, le soutien scandaleux apporté à l’enseignement supérieur privé via la dizaine de milliards d’argent public apportée aux entreprises via l’apprentissage, conduit des dizaines d’établissements à l’asphyxie, faute de moyens. Contrairement à l’enseignement supérieur public, le privé n’est pas, lui, adossé à la recherche...
Les pistes évoquées par Macron ont déjà été évoquées par ses prédécesseurs : la modulation des services d’enseignement (« À mon avis, c’est le meilleur truc à faire ; c’est-à-dire qu’il faut préserver du temps de recherche pour les gens qui sont très bons, qui en ont envie ou autres. »), la gouvernance, l’attaque contre les statuts, le soutien massif aux employeurs privés sans aucun contrôle via le CIR, la transformation des Organismes nationaux de Recherche (ONR) en agences de programmes, ou la généralisation de la politique de site. Quant à la simplification, c’est un serpent de mer de l’ESR depuis des décennies, et ses « mesures de simplicités » semblent particulièrement… complexes ! Reste l’idée de renforcer l’autorité du ministère de l’ESR : cela pourrait avoir un sens, mais comment croire que l’autorité de la ministre pourrait être suffisamment renforcée face à celle de Bercy sans changements profonds ?
Encore une fois, la seule piste envisagée est d’en appeler au sens du service public et à la passion des travailleur·ses pour leurs métiers. Mais les collègues sont, aujourd’hui, trop désabusés et trop épuisés pour croire un traître mot du discours présidentiel. Comme le système de santé, l’Éducation nationale ou la Justice, l’Enseignement supérieur et la Recherche en France sont au bord du gouffre. À l’inverse, nos syndicats CGT appellent les personnels de l’ESR à réaffirmer leur exigence de sortir du carcan des appels à projets indissociable de la précarité des emplois, et de doter la recherche publique des moyens nécessaires, tant en emplois de titulaires qu’en crédits récurrents, à son développement au compte de toute la société.
Montreuil, le 12 décembre 2023