La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 « pour un État au service d’une société de confiance » (tout un programme !) a été votée au milieu de l’été. Elle touche de nombreux secteurs, et vise la plupart du temps à « simplifier » les règles applicables aux patrons privés et publics. L’article 52 concerne l’Enseignement supérieur et la Recherche (ESR) et prévoit de légiférer par ordonnances pour « expérimenter de nouvelles formes de rapprochements, de regroupement ou de fusion » pendant 10 ans.
Le ministère nous a enfin informés de l’avant-projet d’ordonnance sur les regroupements dans l’ESR, diffusé par la presse début septembre, rédigé une fois de plus sans aucune concertation avec les organisations syndicales Ce projet, dans la droite ligne des lois LRU-Pécresse de 2007 et LRU-Fioraso de 2012, continue la restructuration permanente, cette fois-ci en cherchant à rapprocher universités et grandes écoles. Il pousse à l’extrême une vision ultra-libérale de l’ESR et fragilise le droit des travailleuses et des travailleurs. Il s’articule avec le projet de fusion des académies décidé par le gouvernement (voir le dossier FERC CGT).
L’objectif, sous couvert « d’expérimentations », est de détruire toutes les règles nationales gérant les établissements d’ESR. Qu’on en juge :
- La période de 10 ans est particulièrement longue : en pratique, les « expérimentations » sont donc de vraies « règles » de fonctionnement pendant 10 ans.
- Il sera possible de regrouper ou fusionner des établissements d’ESR et des organismes de recherche, publics ou privés, pour créer des « établissements expérimentaux ». Cela permettrait au privé d’entrer de façon renforcée dans les universités. Les organismes de recherche (CNRS, INSERM, INRA…) risquent de perdre peu à peu leur caractère national.
- Des « établissements composantes » peuvent conserver leur personnalité morale au sein des établissements expérimentaux. L’objectif est d’intégrer dans les universités les écoles d’ingénieurs ou les établissements privés, par exemple, tout en leur laissant une autonomie.
- Les établissements expérimentaux sont des universités (ils ont statut d’EPSCP et peuvent en particulier délivrer des diplômes), mais qui définissent leurs propres règles de fonctionnement !
- Des compétences peuvent être transférées d’une composante à une autre, ou mise en commun dans l’établissement expérimental. Les agents peuvent travailler dans une composante, une autre, ou dans l’établissement expérimental, sans aucun garde-fou national.
- Des composantes peuvent être créées ou modifiées, sans règle nationale.
- L’établissement expérimental a un droit de regard sur chaque composante, notamment pour les questions budgétaires et les recrutements.
- Les crédits et les emplois peuvent être affectés directement à l’établissement expérimental ou à ses composantes : le projet ouvre toutes les voies possibles en matière d’examen du budget ou de recrutement
- Les modalités de désignation du chef d’établissement expérimental et de son CA ne sont pas fixées nationalement. La composition du CA prévoit seulement un minimum d’un tiers de représentants des personnels et des usagers. C’est la négation complète de la démocratie universitaire.
- Les conventions des regroupements régionaux peuvent être « adaptées » et leur territoire peut être changé (ce n’est plus nécessairement une académie), le projet prône la diversification des modalités de coordination territoriale.
- Les ComUE peuvent également devenir des établissements expérimentaux et « bénéficier » des « règles » ci-dessus qui devraient leur permettre de simplifier leur gouvernance (entendons : réduire à moins que rien la démocratie universitaire)
- Les montages politiques et juridiques extrêmement compliqués que cette ordonnance va mettre en œuvre vont rendre encore plus obscurs les regroupements, les négociations et les ententes.
- Notre cadre de travail, déjà très dégradé après les fusions et regroupements, va exploser : affectations multiples, désorganisation du travail, durée du travail à la hausse….
- À l’issue de l’expérimentation, il n’y a aucune évaluation contradictoire avec des représentants du personnel mais un passage devant le HCERES. Les établissements expérimentaux peuvent obtenir le statut dérogatoire de « grand établissement » et ainsi pérenniser leurs règles de fonctionnement locales.
Le CNESER réuni le 17 novembre a voté à une écrasante majorité (20 pour (FSU, FAGE, UNEF, CFDT, SNPTES, FO, CGT), 2 contre (CPU, CFE-CFC) et 1 abs (PEEP)), une motion qui « demande le retrait de ce projet d’ordonnance. »
La CGT FERC Sup s’oppose donc sans réserve à ce projet d’ordonnance, inacceptable, qui provoquerait 10 années de restructurations supplémentaires, épuisantes et destructrices pour les personnels et néfastes pour le service public d’Enseignement supérieur et de Recherche : concurrence, compétition, explosion des cadres nationaux, inégalités territoriales et gouvernance lâchée aux personnalités extérieures, c’est le nouveau modèle d’université qu’on nous promet !
10 ans de restructurations, stop ! Retrait du projet d’ordonnance !
Le 9 octobre, participons à la mobilisation !