"Pour un Service public national d'Enseignement supérieur et de Recherche laïque, démocratique et émancipateur"
Menu ☰Accueil > Les dossiers > Enseignement supérieur > Loi LRU-Fioraso (2013) > Fusions et ComUE : Courrier au ministre
Monsieur le ministre,
Malgré notre demande faite à deux reprises, vous n’avez pas jugé nécessaire de nous rencontrer à l’issue du mouvement de protestation des personnels de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ce 18 juin. Nous vous faisons donc parvenir les revendications que nous avions l’intention de porter devant vous à l’occasion de cette rencontre.
La loi du 22 juillet 2013 n’apporte aucune réponse aux attentes de la communauté universitaire déjà soumise à rude épreuve lors du quinquennat précédent. Au contraire, elle amplifie et aggrave la politique qui a mis en difficultés financières nombre d’établissements. Partout la concurrence gangrène les relations et les projets alors que la communauté universitaire a besoin de coopération et de sérénité pour assurer le développement et la diffusion des savoirs. Les modalités du financement sur projet au détriment des financements récurrents ont favorisé le développement sans précédent de la précarité dans notre ministère et nos établissements (cf. le dernier bilan social publié). La mise en œuvre de la loi Sauvadet dans l’Enseignement supérieur et la Recherche est une véritable mascarade et rien ne garantit aujourd’hui que le ministère atteindra les objectifs déjà très réduits et largement insuffisants édictés par la loi.
Les regroupements, qu’impose la loi de 2013, constituent un plan de restructuration d’ampleur de notre secteur sur tout le territoire national. Le transfert de la politique d’austérité vers les opérateurs locaux met les établissements en difficultés financières et aboutit au resserrement de la masse salariale dans chaque établissement, avec pour conséquences des gels et suppressions de postes. Les nouveaux établissements qui vont être créés, les Communautés d’universités et d’établissements (ComUE), seront hors d’échelle. Chacun va concentrer plusieurs dizaines de milliers d’étudiants et plusieurs milliers de personnels. Les centres de décision mis à distance des personnels et des étudiants favoriseront une direction « hors sol », ignorant le travail réel des uns et des autres. Comme c’est déjà le cas aujourd’hui dans les établissements, l’autoritarisme et l’arbitraire l’emporteront sur le débat, la controverse et la collégialité qui fondent la culture universitaire.
La recomposition régionale et territoriale de l’enseignement supérieur, combinée avec les objectifs de spécialisation thématique des régions à laquelle incite la stratégie européenne 2020, va entraîner un resserrement mécanique des formations mises à disposition des citoyens d’une région ou d’un territoire donné. La réduction drastique des intitulés de licence et de master associée à la chasse aux doublons dans le ressort d’une ComUE y contribueront largement.
C’est un enseignement supérieur à deux vitesses que cette loi instaure. Des établissements élitistes, dotés des meilleurs moyens pour la formation d’un petit nombre d’un côté et, de l’autre, des établissements disposant de beaucoup moins de moyens, dispensant des formations courtes de moindre valeur, pour le plus grand nombre. Ce système remet gravement en cause le traitement égalitaire des personnels, l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur pour tous les citoyens sur l’ensemble du territoire et le principe fondamental de l’adossement de l’enseignement à la recherche dont chaque enseignant a besoin pour assurer un enseignement de qualité ouvrant les étudiants aux avancées les plus récentes des sciences et techniques. Revenir sur ces principes, c’est hypothéquer la capacité de l’enseignement supérieur français à assurer son développement dans l’indépendance.
Dans notre secteur, la notion de masse critique n’a aucun sens. Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ne sont pas des entreprises, les savoirs ne sont pas des marchandises et ils n’ont pas à défendre un capital dont ils seraient propriétaires. Les savoirs constituent un bien commun dont chaque citoyen doit pouvoir bénéficier dans les meilleures conditions possibles, quelles que soient ses origines sociales et géographiques.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons aujourd’hui, monsieur le ministre, de :
Tout cela doit s’accompagner d’une revalorisation des salaires et des déroulements de carrière, de l’arrêt immédiat du gel du point d’indice et du rattrapage de la perte de pouvoir d’achat (8%).
Enfin, monsieur le ministre, les personnels de la Fonction publique sont appelés à voter pour définir la représentativité des organisations syndicales en fin de cette année 2014. Les organisations syndicales CGT de l’Enseignement supérieur et de la Recherche avec notre Fédération, la FERC CGT, vous ont alerté sur les conditions dans lesquelles ces élections professionnelles sont préparées dans notre ministère. Nous n’avons reçu aucune réponse au courrier qui vous a été envoyé et nous sommes contraints de constater qu’aucune amélioration notable n’est perceptible et que de nombreux dysfonctionnements perdurent. Nous renouvelons par ailleurs notre opposition au vote électronique dont les élections de 2011 ont montré qu’il ne pouvait pas garantir le respect des règles démocratiques et l’équité devant le vote.
Nous vous rappelons, monsieur le ministre, que notre Fédération est toujours dans l’attente de vos propositions concrètes pour que l’organisation de ces élections ait quelques chances de se dérouler dans de meilleures conditions et que tous les électeurs aient la possibilité et les moyens d’exercer leur droit de vote. Ce qui, pour le moment, n’est pas garanti.
Soyez assuré, monsieur le ministre, de notre attachement indéfectible aux vertus du Service public et aux valeurs de la Fonction publique.
Pour la FERC Sup CGT
Union nationale des syndicats CGT des établissements d’Enseignement supérieur et de Recherche
Christel POHER et Jean-Luc ANTONUCCI
Co-secrétaires généraux de la FERC Sup CGT