"Pour un Service public national d'Enseignement supérieur et de Recherche laïque, démocratique et émancipateur"
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On se souvient qu’en février 2007 le colloque de la CPU réuni à Metz, « L’université une chance pour la France », avait débouché sur 20 propositions qui avaient fourni à la nouvelle ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche le socle de sa loi LRU dont on n’a pas fini de mesurer l’ampleur des coups qu’elle aura porté aux principes fondateurs de notre service public d’enseignement supérieur et de recherche.
Gageons qu’aujourd’hui réunie à Marseille autour du thème « L’université pour l’avenir, avenir des universités » la CPU a pour ambition de peser sur la politique qui sera mise en œuvre après les élections présidentielles et que ses propositions alimentent les orientations à venir.
Forte de l’expérience forgée à l’occasion de l’acquisition à marche forcée des Responsabilités et compétences élargies, lors de ce colloque 2012, les présidents d’université entendent se projeter dans les 15 à 20 années à venir, « une fois que les investissements actuels auront produit leurs effets, sur la durabilité de son modèle économique et sur sa place au niveau international », c’est-à-dire une fois que le système d’une université à deux vitesses se sera imposé partout.
Les résultats de la seconde vague des iDEx viennent de tomber et les laissés pour compte sont nombreux. Des pans entiers du territoire national sont mis à l’écart de l’ « excellence » poussant inexorablement les établissements délaissés vers la régionalisation.
La situation financière de la très grande majorité des universités est préoccupante et le budget 2012 n’est pas fait pour rassurer. La situation dramatique que connaissent la plupart des établissements d’enseignement supérieur de ce pays, apporte un démenti cinglant à la prétendue optimisation de la gestion financière, à l’amélioration du pilotage de la masse salariale et à la gestion prévisionnelle des ressources humaines. Nos établissements n’échappent pas au marasme économique que traverse le pays et plus largement l’Europe. Ils sont aujourd’hui, toute proportion gardée, dans une situation identique à celles des état nations victimes de la dictature des marchés et des agences de notations qui les conduisent, au prétexte de la dette et du déficit, à réclamer toujours plus d’économies, toujours plus de sacrifices à leurs citoyens, à leurs personnels.
Ainsi les universités qui ont été mises sous tutelle de leurs Recteurs après deux budgets déficitaires successifs. Nous savons tous que cette mise sous tutelle signifie, une cure d’austérité pour tous les agents de ces établissements, mais aussi pour ceux de tous les autres établissements dont les directions ont bien compris le sens et la nature du message. Nous savons aussi que c’est à terme la remise en cause des missions de service public qu’ils assurent comme cela s’est produit dans la sante, dans la justice, dans l’éducation et dans bien d’autres secteurs de notre vie quotidienne.
Cette autonomie renforcée s’accompagne d’un profond mouvement de concentration à travers des fusions multiples imposées par la course aux investissements d’avenir du Grand emprunt. Regroupements, fusions, mutualisations, vont contraindre des établissements, des composantes et des disciplines à disparaître du paysage universitaire et du maillage territorial. La concurrence fait rage et nombreux seront ceux qui resteront sur le bord du chemin.
Dans ce mouvement, ce sont des établissements aux dimensions inhumaines regroupant plusieurs milliers de personnels et plusieurs dizaines de milliers d’étudiants qui sont en train de se constituer. C’est la possibilité d’accès à l’enseignement supérieur de toutes les populations qui se dégrade considérablement. Cela signifiera l’aggravation des inégalités sociales tant l’éloignement des lieux d’enseignement est dissuasif pour nombre de familles et d’étudiants. Ce qui hypothéquera la reconquête d’un tissu économique dynamique dans nombre de territoires. Ce sera au final un affaiblissement à l’échelle nationale de notre enseignement supérieur et de notre recherche.
Ces nouvelles structures universitaires bouleversent tout l’environnement professionnel des enseignants, de toutes les catégories d’agents BIATOSS et bien sûr des étudiants. L’accélération de la mise en place de ces structures dans lesquelles les présidents d’universités décident seuls en dehors de tout contrôle démocratique de la communauté universitaire rend opaque le cadre professionnel d’exercice, et provoque une perte générale de repères. Les instances se superposent et opposent les uns aux autres. La question de la gouvernance des établissements un moment au centre des objectifs assignés à la LRU, cède de plus en plus la place à des Comités d’Orientation Stratégiques, qui se comportent comme de véritables cabinets secrets avec les dérives qui en découlent.
Les mutualisations, les sous-effectifs, la précarité généralisée, la gestion par la performance, le non renouvellement de contrats, pour ne pas dire les licenciements sont autant de paramètres générés par la loi LRU. Désormais c’est le localisme qui prime. Partout les conditions de travail se dégradent et les cas de souffrance au travail se multiplient.
Les syndicats de la FERC Sup CGT ne sont pas dupes. Ils savent que c’est un plan social de grande ampleur qui se met en place. Ils sont particulièrement attentifs aux conditions de travail qui sont imposées aux personnels et à toutes les conséquences qu’elles peuvent avoir. Ils veillent également au fait que tous les statuts des agents de la Fonction publique et leurs garanties soient maintenus dans un cadre d’une gestion nationale.
Ils suivent également de très près la manière dont la loi sur la précarité dans la Fonction publique va être mise en œuvre dans nos établissements. La perspective même infime pour les présidents d’université d’avoir à régulariser la situation de quelques milliers de personnels éligibles au protocole du 31 mars 2011 annoncés par la Ministère qui multiplie les directives permettant d’en exclure le plus grand nombre de bénéficiaires, en conduit la plupart à mettre fin préventivement au contrat de ces personnels non titulaires. C’est massivement que ces agents non titulaires sont victimes de la gestion prévisionnelle des emplois et de la masse salariale. C’est bien la loi LRU qui confère au président d’université toute la souplesse voulue en matière de recrutement des personnels et tout particulièrement des agents contractuels.
L’objectif dicté par la Révision générale des politiques publiques, c’est la réduction des dépenses publiques, la réduction des effectifs de la Fonction publique, voire sa mise en extinction. Il faut donc réduire la masse salariale de manière drastique. En réduisant les moyens financiers alloués aux établissements, le gouvernement l’État organise son désengagement et contraint les chefs d’établissements à rogner de manière significative sur la masse salariale et à rechercher des financements extérieurs, notamment privés.
Les universités, le président de la CPU l’a indiqué à plusieurs reprises, n’ont les moyens ni de leur « autonomie », ni de la gestion des personnels qu’elles sont désormais tenues de gérer dans la logique de la sacro-sainte mise en concurrence pour attirer les meilleurs chercheurs et universitaires.
Le processus d’éclatement du service public d’enseignement supérieur et de recherche engendré par la Loi LRU est entièrement fondé sur la financiarisation du système. L’opération campus et les investissements d’avenir reposent sur le placement financier des fonds supposés attribués à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce sont les intérêts produits par ces placements qui doivent garantir les emprunts qui seront nécessaires aux différents projets. Dans le contexte de la crise à laquelle le capitalisme contraint les économies nationales aujourd’hui, c’est dire toute la fragilité du système et l’hypothèque que cela représente pour l’avenir.
Notre pays n’a pas les moyens de voir ses universités continuer de s’enfoncer dans une « autonomie » qui les fragilise et les rend de plus en plus tributaires de financements extérieurs qui auront leur logique propre sans souci de cohérence nationale, sans souci du long terme.
Voilà donc ce à quoi aboutit la prétendue autonomie réclamée si fort par la Conférence des présidents d’université. Cette loi qui devait, selon Valérie Pécresse, moderniser l’université, la guider vers l’ « excellence », lui permettre de devenir compétitive dans les classements internationaux, s’avère en réalité catastrophique à l’issue de 4 années de mise en œuvre. En concentrant des pouvoirs démesurés entre les mains des présidents d’universités dont les établissements sont désormais en situation de s’affranchir des cadres protecteurs du service public, la loi LRU a changé la nature de leurs fonctions. De représentants de la communauté universitaire, ils sont devenus exécuteurs de la politique gouvernementale et dans l’exercice personnel du pouvoir de la loi qu’ils ont réclamé et obtenu, ils ont bien trop souvent tendance à oublier qu’ils restent élus par la communauté universitaire qu’ils doivent respecter.
C’est pourquoi la FERC Sup CGT réaffirme son opposition totale à la Loi Libertés et Responsabilités des Universités du 10 août 2007 et à son bras armé que sont les Responsabilités et Compétences Élargies. Ce n’est pas une opposition de principe mais bien l’expression du combat ferme et résolu qu’elle entend mener pour obtenir son abrogation, qui reste pour nous à l’ordre du jour.
Nous continuons de penser que cette loi constitue une remise en cause complète du service public d’enseignement supérieur et de recherche, laïque, égalitaire et garantissant la continuité territoriale Républicaine.
L’État doit assumer ses responsabilités : les moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche relèvent d’abord de sa responsabilité. C’est d’un projet de société qu’il s’agit.