Le Président a annoncé le lancement de la réforme de la formation des enseignant·es et des concours, avec le concours en fin de L3 dès 2025 et la fin des INSPE.
La présentation du gouvernement intitulée « Écoles normales du XXIème siècle, Stratégie de formation et de recrutement des futurs professeurs » avait fuité auparavant. Elle montre la vision de Macron-Attal de la réforme de la formation et des concours d’enseignement.
Nous avions déjà alerté sur les problèmes des annonces précédentes : calendrier intenable, manque de moyens pour la réforme…
Voir l’appel intersyndical du 2 avril et notre communiqué Réforme de la formation des enseignant·es et des concours de l’Éducation Nationale : pour la réussir, il faut du temps et des moyens !.
La présentation augmente considérablement nos inquiétudes concernant l’avenir des étudiant·es et des personnels des INSPE.
- Les « valeurs de la République » partout (10 occurrences en 15 diapositives). Cette obsession verbale chercherait-elle à cacher son absence de respect par le gouvernement ? La démocratie du 49-3 ? La fraternité de la chasse aux migrant·es ? L’égalité des classes de niveau ? L’admission au concours vérifiera l’« appréciation de la motivation, de la capacité à se projeter dans le métier enseignant et à transmettre et incarner les valeurs de la République ». 3 ans de licence spécifique, plus le passage d’un concours... Est-ce que cela ne permet pas en soi "d’apprécier la motivation" ? Ou s’agit-il de faire intervenir des RH du rectorat dans les jurys et non des enseignant·es / enseignant·es-chercheur·ses ? Quant à "l’incarnation" des valeurs de la République, est-ce la volonté de revenir à une époque ou l’on exigeait des instituteurs - et plus encore des institutrices - une exemplarité morale dans la vie professionnelle... et surtout en dehors ?
- Des savoirs disciplinaires réduits : la Licence Préparatoire au Professorat des Ecoles (LPPE) perdrait largement son caractère universitaire (avec seulement 50 % officiellement de savoirs disciplinaires transverses) et ne pourrait déboucher que sur le concours de professeurs des écoles (PE). Idem pour les Masters 1 et 2 : presque aucun contenu universitaire, même professionnalisant, quasiment rien concernant la recherche.
- Création de nouvelles Écoles Normales Supérieures du Professorat (ENSP). Ces écoles seraient des établissements « sui generis » (sic) autonomes, c’est-à-dire hors des universités, et dirigés par un IGESR désigné par les ministères EN et ESR pour 4 ans non renouvelables, avec une rémunération variable selon les objectifs ministériels.
- Personnels enseignants « choisis » par le rectorat, pour 3 ans renouvelables 1 fois : des PE « expérimentés » ou « aguerris » (!) et des PRAG-PRCE « repérés ». En lieu et place de l’affectation définitive dans l’INSPE, donc dans l’université, ils intégreraient un « cursus honorum » (re-sic), c’est-à-dire qu’ils deviendraient affectés de façon précaire dans l’ENSP.
- PRAG-PRCE et EC « choisis » eux aussi, cette fois par le MEN et le directeur de l’ENSP. C’est contraire aux libertés académiques et au statut de 1984 des EC.
- Il y aurait une maquette « unique » : encore une fois, où est la liberté académique ?
- Le concours PE : 80 % des concours seront réservés à la LPPE, 20 % seulement pour des étudiant·es de Licence générale. Où est la diversité des parcours ? Pourquoi réduire à ce point la part des étudiant·es de Licence générale ? Se méfie-t-on en haut lieu de leur formation universitaire, non « cadrée » ? Des modules spécifique supplémentaires (30 ECTS en L2 et en L3) sont d’ores et déjà prévus pour enseigner les « valeurs de la République »…
Le coût budgétaire de la réforme pour l’ESR « reste à estimer » (re-sic). L’intendance suivra, comme on dit, avec 904 millions d’€ en moins au budget pour 2024… Le calendrier reste intenable : les maquettes de licences contenant les nouveaux modules devront être prêtes pour 2024.
Ce projet est donc d’une gravité exceptionnelle. S’il devait être mis en œuvre :
- un plan social d’envergure serait à l’œuvre dans les INSPE. Comme les futurs personnels des ENSP seraient « choisis » pour une durée limitée, où iront les personnels (enseignant·es, EC, BIATSS) actuellement affectés dans les INSPE ? L’inquiétude est encore plus forte pour les contractuel·les, nombreux dans les INSPE comme partout désormais dans la fonction publique. Le gouvernement mettra-t-il fin à l’affectation définitive des PRAG-PRCE dans les universités ? Les personnels devront-ils bouger d’une INSPE à un autre site de l’université, potentiellement très éloigné ? Devront-ils retourner dans les lycées et collèges ? Devront-ils re-candidater sur leur poste ? C’est bien ce qui est confirmé par le ministère de l’éducation nationale qui déclare à l’AEF : « Les masters Meef ont vocation à disparaître : " Ce seront de nouveaux masters qui seront créés. Cette réforme, c’est tout un nouveau paradigme, une nouvelle gouvernance, de nouveaux formateurs, de nouvelles, méthodes, les statuts des élèves vont être changés, donc ce seront de nouveaux masters." ».
- Contrairement aux promesses précédentes, le gouvernement prévoit bien que les universités soient dépossédées de la formation des enseignant·es. Les ENSP ne seraient plus liées aux universités et les personnels seraient choisis par le rectorat ou le directeur.
- Le contenu disciplinaire et universitaire des futures licences et masters est largement minoré, limitant considérablement les débouchés possibles de ces diplômes. L’avenir des actuels masters MEEF, souvent portés en très large partie par les universités, est remis en cause (personnels et contenus).
- La caporalisation des futurs enseignant·es est insupportable.
La CGT FERC Sup dénonce avec force le contenu réactionnaire de ce projet d’« ENSP du XXIème siècle ».
La CGT FERC Sup alerte tous les collègues des INSPE. Leur avenir à court terme est en jeu : défendons nos postes, nos statuts et la formation de nos futurs collègues !
La CGT FERC Sup invite tous les personnels à se réunir en assemblée générale pour discuter des annonces gouvernementales et des modalités à mettre en œuvre pour s’y opposer. La CGT propose à tous les personnels concernés (BIATSS titulaires comme contractuel·les, enseignant·es, EC) d’en débattre lors d’un webinaire qu’elle organisera dans les prochaines semaines.
Le calendrier proposé est intenable et est un véritable passage en force. La CGT FERC Sup demande le report de la réforme à la session 2026 et l’ouverture de véritables négociations, impliquant l’ensemble des actrices et acteurs de la formation des enseignant·es. Nous demandons des moyens pour une véritable formation universitaire des enseignant·es attractive et émancipatrice.