"Pour un Service public national d'Enseignement supérieur et de Recherche laïque, démocratique et émancipateur"
Menu ☰Accueil > Les dossiers > Enseignement supérieur > La sélection officiellement instaurée dans les établissements d’ESR
Lorsqu’elle avait été reçue au ministère en mai 2016 dans le cadre d’une « concertation » sur la sélection en Master, la CGT FERC Sup s’était montrée très réservée pour le projet qui commençait à s’esquisser (droit opposable, régulation des flux de Licence, mobilité imposée…). L’accord qui vient d’être élaboré par le ministère avec les organisation patronales (Conférence des présidents d’universités [CPU] et Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs [CDEFI]), les organisations étudiantes (UNEF, FAGE et PDE) et certaines organisations syndicales de personnels (SGEN-CFDT, Sup Recherche, UNSA et SNESUP FSU) ne lève aucune de nos craintes. Bien au contraire.
Tout d’abord, nous condamnons la méthode de communication du ministère qui consiste à présenter cet accord comme une victoire du « dialogue social » alors qu’il n’a été élaboré qu’avec les organisations syndicales prêtes à accepter l’instauration de la sélection à l’université. Les organisations syndicales opposées à cette démarche, notamment la CGT FERC Sup n’étaient pas invitées à cette discussion. L’auto-satisfaction affichée par tous les signataires et la célébration d’un accord que tous présentent comme historique et inédit dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) est une manipulation que la CGT FERC Sup dénonce avec vigueur.
À partir d’une instrumentalisation outrancière d’une revendication de la CPU réclamant à cor et à cri la sécurisation juridique des établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) régulièrement condamnés quand ils étaient poursuivis en justice par des étudiants dont l’inscription a été refusée en master 2, les organisations signataires viennent d’accepter rien moins que l’officialisation de la sélection sur dossier pour l’entrée dans tous les Masters. Même là où jusqu’ici on acceptait tout simplement les détenteurs du diplôme national de licence dans la discipline concernée.
Cette instauration officielle de la sélection en Master ouvre la voie à toutes celles et tous ceux qui réclament déjà, au nom de la réussite de toutes les étudiantes et tous les étudiants, l’instauration de cette même sélection et le développement de l’« orientation active », donc contraignante, dans le cycle de licence.
Cette rupture majeure avec l’essence même de notre service public d’ESR, sa vocation et sa mission, est arrachée par les apprentis patrons de nos établissements en échange d’un supposé droit « opposable » donné en gage aux organisations étudiantes et syndicales qui ont signé.
Or, en l’état, on voit mal comment ce droit « opposable » va pouvoir être vraiment mis en place et quelles garanties sont données concrètement aux candidats éconduits de suivre les études auxquelles ils aspirent.
Par contre, ce supposé droit « opposable » sécurise définitivement les établissements universitaires puisqu’en renvoyant au recteur l’obligation de faire trois propositions au candidats refoulés, les universités sont libérées de l’obligation d’inscrire de force dans leurs Masters une étudiante ou un étudiant qu’elles auront décidé de refuser.
Se voir proposer trois offres dans la région académique (cela ressemble beaucoup aux trois offres de postes faites à un fonctionnaire avant son éviction !) garantira-t-il une poursuite d’études dans la discipline étudiée jusqu’en licence et dans la formation de son choix. Assurément non ! Les candidats auront peut-être la garantie d’une inscription dans un établissement, plus ou moins éloigné de leur choix initial, mais ils n’auront aucune garantie de poursuivre les études qu’ils auront choisies.
En effet, lors des séances d’accréditation au CNESER tout le monde aura pu constater qu’il n’y a plus aucun doublon de la même mention dans une ComUE ! Si on est exclu de la mention correspondant à la discipline choisie dans l’offre de la ComUE, cela mettra de toute évidence l’étudiante ou l’étudiant, quoi que l’on dise et que l’on fasse, devant l’obligation d’une mobilité forcée, ou devant la contrainte d’accepter une poursuite d’études dans un master éloigné de leurs préoccupations ou de leur projet personnel.
À moins que cette disposition anticipe la création de masters fourre-tout pour les recalés de cette nouvelle sélection, dans des établissements de seconde zone, à côté d’établissements réservés à l’élite et aux classes financièrement aisées. La création de primes de mobilité dont on ne connaît ni le montant ni les modalités permettant d’y accéder n’est qu’un miroir aux alouettes destiné à donner bonne conscience aux signataires.
L’introduction d’enseignements dits « professionnalisants » associés à la mise en place de référentiels de compétences transversales pré-professionnelles, au détriment des objectifs de connaissances disciplinaires, a transformé l’objectif des formations des licences : on a basculé d’un système d’acquisition de connaissances à un système d’adaptation à l’employabilité.
L’objectif d’augmenter le taux de réussite, avec notamment l’instauration d’un système de compensation des notes, se fait malheureusement au prix d’une perte de substance et un affaiblissement notable des connaissances disciplinaires des étudiants licenciés.
Si des référentiels de compétences transversales pré-professionnelles devaient être également mis en place dans les Masters, la question de la qualité à venir des formations supérieures et de l’affaiblissement général des disciplines et de la recherche serait posée.
La CGT FERC Sup refuse cette introduction de la sélection dans le service public d’enseignement supérieur et de recherche et cette hypocrisie qui consiste à dire que l’esprit du processus de Bologne avec son LMD est enfin respecté.
Pour la CGT FERC Sup, le service public d’enseignement supérieur et de recherche doit être national, laïque, démocratique et émancipateur. Il doit donner accès à un enseignement supérieur de haut niveau et de qualité au plus grand nombre, sur l’ensemble du territoire, quelles que soient les origines sociales et géographiques des étudiantes, des étudiants et de leurs familles.
► Interventions de la CGT lors de la séance du CNESER du 17 octobre 2016