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mardi 28 mai 2024

Communiqué de presse FERC CGT - Réforme de la formation des enseignant·es : le ministère va dans le mur !

Lundi 6 mai, Nicole Belloubet, Ministre de l’Éducation Nationale, a présenté le projet de réforme de la formation initiale aux syndicats. Le placement du concours en L3 correspond à nos revendications, qui prévoient en plus deux années de formation sous statut de fonctionnaire stagiaire mêlant respect de la recherche en sciences de l’éducation et formation disciplinaire. Cela permet à des profils d’étudiant·es moins favorisé·es d’envisager des études pour devenir enseignant·es. Mais ce projet de réforme nous alerte ; en effet la suite de la formation post-concours semble s’adosser à un contenu d’enseignement dogmatique, avec une vision libérale et mettant en exergue, au premier titre des préoccupations pédagogiques, « les valeurs » de la République.

De plus, à 3 mois de la rentrée de septembre 2024, aucun document n’a été communiqué officiellement. Cela confirme nos craintes de passage en force du ministère, sans aucune concertation avec les personnels concerné·es et les syndicats, comme nos inquiétudes quant à l’avenir de la formation initiale des enseignant·es ou de celui des étudiant·es et des personnels des INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) :

  • Des savoirs disciplinaires réduits : la Licence Préparatoire au Professorat des Écoles (LPPE) perdrait largement son caractère universitaire (avec seulement 50 % officiellement de savoirs disciplinaires transverses) et ne pourrait déboucher que sur le concours de professeurs des écoles (PE). Pour les Masters 1 et 2, on peut craindre pour le niveau des contenus universitaires et le respect de la pluralité de la recherche en sciences de l’Éducation au vu des mesures du « choc des savoirs », tout comme pour la liberté académique avec l’annonce d’une « maquette unique » ;
  • Peu d’informations sur la manière dont les nouvelles Écoles Normales Supérieures du Professorat (ENSP) remplaceraient les INSPE ou s’ajouteraient aux structures existantes ;
  • Des personnels enseignants « choisi·es » par le rectorat, pour trois ans renouvelables une fois : des PE « expérimenté·es » ou « aguerri·es » et des PRAG-PRCE « repéré·es ». En lieu et place de l’affectation définitive dans l’INSPE, donc dans l’université, ils et elles intégreraient un « cursus honorum » c’est-à-dire deviendraient affecté·es de façon précaire dans l’ENSP ;
  • La création d’une licence LPPE n’ayant pratiquement aucun autre débouché pour les étudiant·es échouant au concours de professeurs des écoles ;
  • Un concours de recrutement des professeurs des écoles inégalitaires puisque les étudiant·es de LPPE n’auraient pas à passer les épreuves d’admissibilité, sous condition d’avoir validé des évaluations standardisées en amont ;
  • Une précarisation des étudiant·es puisque contrairement aux promesses, les reçu·es aux concours au niveau Licence 3 (L3) ne seraient plus élèves fonctionnaires payé·es 1400€ net/mois (ce qui avait été annoncé par le ministère en novembre 2023) mais deviendraient « stagiaires alternant·es », avec 900€ / mois de « gratification » ;

Ce projet nous inquiète à divers titres. S’il devait être mis en œuvre :

  • Un plan social d’envergure serait à l’œuvre dans les INSPE, une partie des personnels (enseignant·es comme personnels administratifs et techniques) actuellement affectés dans les INSPE pourraient être déplacé·es C’est bien ce qui est confirmé par le ministère de l’Éducation nationale qui déclare à l’AEF : « Les masters Meef ont vocation à disparaître : " Ce seront de nouveaux masters qui seront créés. Cette réforme, c’est tout un nouveau paradigme, une nouvelle gouvernance, de nouveaux formateurs, de nouvelles, méthodes, les statuts des élèves vont être changés, donc ce seront de nouveaux masters."
  • Contrairement à ce qui avait été annoncé en janvier 2024, le gouvernement prévoit bien que les universités soient dépossédées de la formation des enseignant·es. Les ENSP ne seraient plus liées aux universités ;
  • Le contenu disciplinaire et universitaire des futures licences et masters est largement minoré, limitant considérablement les débouchés possibles de ces diplômes en dehors du professorat. L’avenir des actuels masters MEEF, souvent portés en très large partie par les universités, est remis en cause (personnels et contenus) ;
  • Pour l’Éducation nationale, il s’agit bien d’une mise au pas pédagogique qui est à l’ordre du jour, avec un recentrage sur les « valeurs de la République », une notion qui mériterait d’être précisée (droits humains fondamentaux, laïcité, liberté et égalité, droits sociaux, droit d’asile, etc.), au risque d’être instrumentalisée au profit d’une dérive autoritaire. Et une formation des enseignant qui semble plus être un formatage institutionnel qu’une ouverture à l’esprit critique et à la liberté pédagogique, dans la droite ligne des mesures du « choc des savoirs ».

La mise en place de cette réforme telle qu’elle est menée par le ministère est une véritable maltraitance institutionnelle, pour les personnels comme pour les étudiant·es et leurs futur·es élèves. La caporalisation de l’enseignement qu’elle implique, en lien avec le « choc des savoirs », est insupportable. La CGT FERC dénonce avec force le contenu réactionnaire de ce projet « d’ENSP du XXIème siècle ». Il y a fort à craindre que cette énième réforme, faite dans la précipitation et sans aucun moyen ne résolve rien de la pénurie structurelle d’enseignant·es. En effet, il n’y aura pas de « choc d’attractivité » s’il n’y a pas de réelle amélioration des conditions de travail et des salaires à l’Éducation nationale.

Le concours en L3, c’est notre revendication qui permettrait d’assurer à la fois la qualification des personnels par une reconnaissance sous forme de diplôme (Master) et une démocratisation des recrutements. Mais le contenu annoncé de cette réforme ne répond pas à cette ambition et nous alerte sur des sujets majeurs, de plus le calendrier proposé est intenable constitue un passage en force.

La FERC-CGT demande le report de la réforme et l’ouverture de véritables négociations, impliquant l’ensemble des acteur·rices de la formation des enseignant·es. Si le ministère s’obstine, sa réforme risque en fait d’aggraver les choses et d’être contraire au but annoncé. Nous demandons des moyens pour une véritable formation universitaire des enseignant·es, attractive et émancipatrice.

Date le 27 mai 2024